jeudi 8 janvier 2015

« Die letzten Dinge » de Louis Spohr - Frieder Bernius - Disque Carus



Parfait contemporain de Weber, Meyerbeer et Rossini, le compositeur allemand Louis Spohr (1784-1859) reste surtout connu de nos jours pour sa musique symphonique, notamment ses concertos pour violon. C’est avec son instrument de prédilection que le natif de Brunswick allait se faire connaître avant d’imposer son nom en Allemagne et en Angleterre comme digne successeur de Beethoven et Weber, trop tôt disparus. Outre le domaine symphonique, la curiosité de Spohr nous a laissé d’innombrables œuvres de musique de chambre, tout en offrant une place à la musique lyrique, couronnée par le succès de l’opéra Jessonda en 1821. Cinq ans plus tard, la composition de son deuxième oratorio Die letzten Dinge (L’Apocalypse) s’inscrit dans cette période féconde, où Spohr laisse entrevoir toute son admiration pour Haydn et un style déjà proche de Mendelssohn. Son jeune cadet s’inspirera clairement du charme distingué, de l’invention mélodique et du brio orchestral propres à Spohr.


Ce deuxième oratorio, chef-d’œuvre du compositeur en ce domaine, a déjà été gravé plusieurs fois au disque avec bonheur. Outre la version pionnière de Gustav Kuhn (Philips, 1987), très équilibrée, la référence était jusqu’alors celle de Bruno Weil (Capriccio, 2008), au dramatisme flamboyant. Les disques de Carsten Zündorf (Kaleidos, 2010), Jürgen Budday (Maulbronn Monastery Edition, 2012) ou, dans une moindre mesure, Ivor Bolton (Oehms Classics, 2014), sont restés plus confidentiels. Pour cette nouvelle version, on retrouve le prolifique chef d’orchestre allemand Frieder Bernius, infatigable graveur de raretés pour l’éditeur Carus. On pourra ainsi citer les excellents disques consacrés à des œuvres de Norbert Burgmüller, Justin Heinrich Knecht ou Franz Danzi, tous enregistrés aux côtés du brillant cycle choral consacré à la figure bien connue de Mendelssohn. Des choix artistiques qui montrent ainsi un véritable attrait pour le répertoire du début du XIXe siècle, trop souvent réduit à quelques figures majeures.


On retrouve le geste souple et cristallin de Bernius, autour d’une direction qui respire, poétique et aérienne. Le tempo mesuré laisse toute sa place à la diction, toujours essentielle pour ce chef. La lisibilité ainsi obtenue, assise sur un legato aux notes courtes, alterne les passages fervents et recueillis dans une optique résolument spirituelle, là où Weil adoptait une vision plus opératique – Kuhn se situant entre les deux. Dans cet oratorio très symphonique autour des deux longues ouvertures (pour chaque partie), les chanteurs se situent dans l’optique voulue par Bernius, très attentif à la diction, volontairement en retrait pour bien marquer le sens, et ce pour éviter tout effets de manche inutiles. Le Chœur de chambre de Stuttgart se révèle superbe, comme toujours, alliant sa cohésion avec un entrain souvent irrésistible dans les pages tourmentées, tels le chœur de la chute de Babylone ou la savante fugue finale. On retiendra aussi l’un des sommets de la partition «Et toutes les créatures» (I.7), page d’une noblesse sereine où Bernius fait preuve d’une touchante et délicate poésie.


Assurément la version de référence pour cette œuvre attachante, à connaître pour les amateurs de Mendelssohn et, plus largement, pour se délecter de l’art si subtil du magicien Bernius.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire