Un an après une Platée multipliant les références à la fashion week, William Christie et Robert Carsen retrouvent l’Opéra-Comique pour célébrer Les Fêtes vénitiennes,
un opéra-ballet du rare André Campra (1660-1744). Si Hugo Reyne en a
donné quelques extraits avec son ensemble en 2010, il faut remonter à
1991 pour avoir entendu cet ouvrage dans son intégralité, avec
Jean-Claude Malgoire à la direction. Le chef français a ensuite défendu
la tragédie lyrique Tancrède en 2000
– une œuvre reprise l’an passé à Versailles par Olivier Schneebeli.
Est-ce le début d’un retour en grâce pour un compositeur habituellement
cantonné à son seul Requiem ou à ses motets?
Si monter un opéra-ballet constitue un défi contemporain, la production de Carsen s’en acquitte aisément en imbriquant harmonieusement la danse à la musique et au théâtre – tous à parts égales comme le veut ce genre typiquement français. Le metteur en scène canadien joue la carte du pur divertissement, en parfaite cohérence avec les intentions d’une œuvre au propos léger. Construite en un Prologue («Le Triomphe de la Folie sur la Raison») et trois entrées («Le Bal», «Les Sérénades et les Joueurs», «L’Opéra»), comme autant d’histoires indépendantes, l’œuvre s’est enrichie depuis sa création en 1710 de nouvelles parties composées au gré de son phénoménal succès. Ici, le mythe de Venise est davantage vu sous ses atours libertins qu’en référence à sa modernité politique. Qu’importe, l’idée est bien de divertir.
Avec Carsen, tout semble s’enchaîner naturellement au gré des changements du décor, décomposé pour figurer la place Saint-Marc ou les appartements du Doge. Comme toujours, le moindre détail est finement réglé, avec fluidité et élégance, autour de costumes d’époque souvent revisités par une touche de modernité inattendue, telles ces robes à crinoline rapidement déchirées pour mieux laisser entrevoir la folie du jeu. Cette adaptation toujours fidèle à l’œuvre comporte quelques touches décalées lorsque le chœur apparaît en habit contemporain – prétexte à une critique de la société de consommation en fin d’opéra, quand la place Saint-Marc se vide de ses touristes pour faire place à leur seuls détritus. Carsen a aussi l’idée de transposer l’opposition entre la Folie et la Raison, ici incarnée par des libertins face à des religieux, vites défaits. Si son travail apparaît très convaincant avant l’entracte, il s’essouffle quelque peu en seconde partie, moins inspiré par les deux dernières entrées, au scénario plus convenu. Sa scène de danse des moutons se révèle ainsi bien poussive, contrairement à la scène initiale du bal ou plus encore à l’affrontement désopilant entre les maîtres de danse et de musique.
Contrairement à l’opéra italien, où le chant a déjà pris l’ascendant sur le théâtre (Campra ne se privant pas de se moquer des vocalises transalpines), la déclamation française réunit harmonieusement le chant et le théâtre. Jugée ennuyeuse par certains, cette déclamation prend toute sa saveur lorsqu’elle est portée par des interprètes de premier plan, comme c’est le cas dans cette production. William Christie prend soin de réunir des chanteurs parfaitement rompus au répertoire baroque et pour la plupart francophones, hormis Rachel Redmond. L’Ecossaise se montre très à son aise dans la diction, toujours précise, ne laissant transparaître qu’un infirme accent. Seule la sérénade italienne manque de folie interprétative pour bien rappeler les intentions parodiques de Campra. A ses côtés, on retient surtout l’impressionnant Marc Mauillon, à la parfaite diction, au timbre profond et corsé. Un régal à chaque apparition. Aucune fausse note dans le reste de la distribution, hormis peut-être Marcel Beekman, un rien cabotin dans ses différentes interventions.
Autour de l’impeccable ballet néerlandais Scapino, Christie enflamme le propos de son geste vif et précis, toujours revigorant. Avec son bel ensemble (superlatives flûtes), il n’est pas pour rien dans la réussite de cette soirée, vivement applaudie.
Si monter un opéra-ballet constitue un défi contemporain, la production de Carsen s’en acquitte aisément en imbriquant harmonieusement la danse à la musique et au théâtre – tous à parts égales comme le veut ce genre typiquement français. Le metteur en scène canadien joue la carte du pur divertissement, en parfaite cohérence avec les intentions d’une œuvre au propos léger. Construite en un Prologue («Le Triomphe de la Folie sur la Raison») et trois entrées («Le Bal», «Les Sérénades et les Joueurs», «L’Opéra»), comme autant d’histoires indépendantes, l’œuvre s’est enrichie depuis sa création en 1710 de nouvelles parties composées au gré de son phénoménal succès. Ici, le mythe de Venise est davantage vu sous ses atours libertins qu’en référence à sa modernité politique. Qu’importe, l’idée est bien de divertir.
Avec Carsen, tout semble s’enchaîner naturellement au gré des changements du décor, décomposé pour figurer la place Saint-Marc ou les appartements du Doge. Comme toujours, le moindre détail est finement réglé, avec fluidité et élégance, autour de costumes d’époque souvent revisités par une touche de modernité inattendue, telles ces robes à crinoline rapidement déchirées pour mieux laisser entrevoir la folie du jeu. Cette adaptation toujours fidèle à l’œuvre comporte quelques touches décalées lorsque le chœur apparaît en habit contemporain – prétexte à une critique de la société de consommation en fin d’opéra, quand la place Saint-Marc se vide de ses touristes pour faire place à leur seuls détritus. Carsen a aussi l’idée de transposer l’opposition entre la Folie et la Raison, ici incarnée par des libertins face à des religieux, vites défaits. Si son travail apparaît très convaincant avant l’entracte, il s’essouffle quelque peu en seconde partie, moins inspiré par les deux dernières entrées, au scénario plus convenu. Sa scène de danse des moutons se révèle ainsi bien poussive, contrairement à la scène initiale du bal ou plus encore à l’affrontement désopilant entre les maîtres de danse et de musique.
Contrairement à l’opéra italien, où le chant a déjà pris l’ascendant sur le théâtre (Campra ne se privant pas de se moquer des vocalises transalpines), la déclamation française réunit harmonieusement le chant et le théâtre. Jugée ennuyeuse par certains, cette déclamation prend toute sa saveur lorsqu’elle est portée par des interprètes de premier plan, comme c’est le cas dans cette production. William Christie prend soin de réunir des chanteurs parfaitement rompus au répertoire baroque et pour la plupart francophones, hormis Rachel Redmond. L’Ecossaise se montre très à son aise dans la diction, toujours précise, ne laissant transparaître qu’un infirme accent. Seule la sérénade italienne manque de folie interprétative pour bien rappeler les intentions parodiques de Campra. A ses côtés, on retient surtout l’impressionnant Marc Mauillon, à la parfaite diction, au timbre profond et corsé. Un régal à chaque apparition. Aucune fausse note dans le reste de la distribution, hormis peut-être Marcel Beekman, un rien cabotin dans ses différentes interventions.
Autour de l’impeccable ballet néerlandais Scapino, Christie enflamme le propos de son geste vif et précis, toujours revigorant. Avec son bel ensemble (superlatives flûtes), il n’est pas pour rien dans la réussite de cette soirée, vivement applaudie.
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