vendredi 15 mars 2019

« Le Monde de la lune » de Joseph Haydn - Marc Paquien - Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris - 13/03/2019


On se réjouit chaque année d’assister à la production lyrique organisée par le Conservatoire de Paris avec les élèves des disciplines vocales et instrumentales: de quoi découvrir plusieurs chanteurs à l’orée peut-être – et c’est tout le mal qu’on leur souhaite – d’une belle carrière. Quelques anciens ont ainsi pu tirer leur épingle du jeu, tels Mathias Vidal, Christophe Dumaux et Sébastien Droy, à l’affiche en 2001 ou plus récemment Enguerrand de Hys dans Mithridate en 2014. On prendra garde de ne pas confondre ce spectacle avec l’un de ceux organisés par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris – autre vivier à suivre, et ce d’autant plus que les répertoires des deux institutions se rejoignent logiquement en privilégiant les petites formes: en témoigne cette année la nouvelle production du Monde de la lune (1777), septième opéra italien de Haydn, que l’on se souvient avoir entendu à Bobigny en 2013 avec l’Atelier lyrique.

Marc Paquien succède cette fois à David Lescot en proposant une mise en scène qui repose avant tout sur la splendide scénographie d’Alain Lagarde, habilement revisitée par les éclairages lors du spectacle. La vidéo en arrière-scène permet de rappeler l’omniprésence de la lune pendant toute l’action, donnant des images poétiques et facétieuses bien éloignées des allusions érotiques dont l’ouvrage est truffé. Paquien préfère jouer la carte de l’illustration intemporelle, en incluant quelques extraits dus à Georges Méliès, tandis que les costumes farfelus de Lili Kendaka viennent compléter harmonieusement l’ensemble. Seule la direction d’acteurs montre parfois quelques maladresses (les mains agitées au moment du voyage sur la lune, par exemple), mais assure l’essentiel avec ses jeunes interprètes.

Le spectacle vaut surtout par la performance des solistes, d’un niveau globalement homogène et qui n’a pas à rougir de nombre de leurs aînés actuels et passés. On s’incline ainsi devant le Buonafede irrésistible d’Edwin Fardini, aux phrasés admirables d’intelligence et d’à-propos dramatique, le tout servi par une projection et une tessiture d’une belle ampleur. Riccardo Romeo (Ecclitico) compense au niveau théâtral une présence vocale qui manque de puissance en comparaison, et ce malgré d’indéniables qualités d’articulation: on retiendra surtout son tempérament dans les récitatifs, révélateur d’un caractère bien affirmé. Lise Nougier (Ernesto) est sans doute la plus à l’aise quant au chant, autant par la rondeur de l’émission que la splendeur de son timbre corsé. A ses côtés, Mariamielle Lamagat (Clarice) et Makeda Monnet (Flaminia) ne sont pas en reste avec une interprétation lumineuse au niveau vocal, mais malheureusement plus caricaturale au niveau théâtral. Brenda Poupard s’en tire mieux dans cet équilibre délicat, en composant une Lisetta toute de fraîcheur distanciée dans l’ironie, tandis que Kaëlig Boché campe un solide Cecco, dont on notera seulement un manque de substance dans les accélérations. La seule déception vocale vient des trois membres du chœur, beaucoup trop timides dans leurs différentes interventions.

C’est d’autant plus surprenant que le geste enflammé de Tito Ceccherini cherche à galvaniser l’ensemble des interprètes, ce à quoi il parvient à merveille à la tête d’un superlatif Orchestre du Conservatoire de Paris. Sa direction vive et joyeuse, si elle n’évite pas certaines raideurs, est attentive aux moindres détails savoureux de l’orchestration de Haydn: l’humour éclaire subtilement la partition en maints endroits, ce que la direction narrative et sans vibrato de Ceccherini met parfaitement en valeur tout au long de la soirée. On conseillera une fois encore vivement d’assister aux représentations de ces jeunes pousses, tout en prenant garde à l’horaire inhabituel de début de représentation (19 heures).

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