Si Paul Dukas (1865‑1935) reste peu connu du grand public en dehors de son « tube » L’Apprenti sorcier (1897),
il le doit avant tout à lui‑même, tant son exigence le contraignit à
restreindre le nombre de ses projets tout au long de sa carrière, allant
aussi jusqu’à détruire certains ouvrages jugés indignes de lui. Dans ce
contexte, on comprend pourquoi son intérêt se porta sur la pièce Ariane et Barbe‑Bleue (1901)
de Maurice Maeterlinck, dont le propos initiatique libérateur, allant
bien au‑delà du célèbre conte, fait écho à l’autocontrainte castratrice
de Dukas : l’idée du dramaturge belge consiste en effet à montrer
combien l’individu est prisonnier de chaînes autant visibles
qu’invisibles, dont il peut se libérer au prix d’un cheminement
personnel rigoureux. Dans ce labyrinthe intérieur auquel chacun doit
faire face pour se découvrir, Ariane sert de guide spirituel, usant
d’une langue symboliste subtile et évocatrice, dont se saisit Dukas en
déployant toutes les ressources d’un orchestre très coloré, d’une
opulence wagnérienne très présente dans les passages dramatiques, avec
quelques rares références au modèle debussyste dans les parties plus
« morbides ».
Après Cendrillon à Nancy en 2019, puis Werther du même Massenet à Montpellier l'an passé, on se réjouit de retrouver le chaleureux chef québécois Jean‑Marie
Zeitouni, toujours aussi inspiré par le répertoire français : sa
baguette inventive, aux attaques franches mais jamais brutales, fait
ressortir une myriade de couleurs, sans jamais négliger l’attention au
drame. Les moindres inflexions musicales de Dukas trouvent ici un trait
toujours mis en avant avec beaucoup d’à‑propos et d’esprit. Voilà un
chef que l’on souhaite revoir très vite, à l’instar de la formidable
Catherine Hunold, qui s’empare de son rôle très lourd avec un mélange
étonnant de sérénité et d’autorité naturelles.
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