Voilà bien longtemps que l’on n’était sorti d’une soirée avec des
étoiles plein les yeux, irrigué des mélodies entraînantes de Maurice
Yvain (1891‑1965) qui résonnent dans la tête comme autant de tubes des
Années folles. Parmi les tous premiers succès de son auteur avec Ta bouche, Là- haut (1923)
ne dut pas sa réussite à la seule présence de Maurice Chevalier,
créateur du rôle d’Evariste, mais bénéficia surtout de la finesse des lyrics
volontiers provocateurs d’Albert Willemetz, source d’un plaisir
constant tout du long dans la satire bon enfant des croyances sur
l’au‑delà. Adaptés au goût du jour, les dialogues restent fidèles à
l’intrigue, elle‑même augmentée d’un prologue aussi endiablé que
pertinent, tant il permet de brosser le caractère extraverti d’Evariste,
avant sa mort. Ce prologue avec sa fanfare délurée sur le plateau
apporte un vent de folie inattendu et permet à la mise en scène un effet
de contraste avec la découverte du paradis, volontairement plus terne
en comparaison avec ses allures de sanatorium empli de vieillards
hagards. La scénographie épurée évite ainsi soigneusement d’alourdir la
farce en réduisant les références divines, ici limitées au trousseau de
clé d’un Saint Pierre grimé en curiste ou à l’aspect christique
d’Evariste lors de son retour sur terre.
Avec beaucoup d’à‑propos, cette mise en scène de Pascal Neyron (déjà vivement applaudi in loco avec l’irrésistible Testament de la tante Caroline d’Albert Roussel, en 2019)
apporte un soin particulier à la fluidité des transitions entre les
scènes parlées et les airs et ensembles, tout en ajoutant quelques
traits humoristiques, souvent confiés à l’excellent quatuor des Elues.
Dans cet esprit, le plateau s’anime souvent de saynètes secondaires qui
donnent beaucoup de vitalité à l’ensemble, sans jamais tomber dans le
cabotinage.
Il faut dire que l’énergie déployée par le plateau vocal, très homogène,
est un régal, tant il combine à merveille les nécessaires qualités
théâtrales et chantées, demandées aux interprètes. A ce jeu‑là, Mathieu
Dubroca donne une leçon d’aisance, tant le rôle d’Evariste semble avoir
été écrit pour lui. On se délecte ainsi de son talent comique
jubilatoire et de ses qualités d’articulation et de projection. A ses
côtés, Richard Delestre compose un ange gardien tout aussi déluré, aussi
impressionnant de justesse dramatique dans ses allures nerveuses et ses
réparties volontairement nasillardes. On aime aussi grandement le
Saint Pierre souvent ahuri de Jean‑Baptiste Dumora, qui offre un subtil
mélange de noblesse et de fragilité à son rôle, tout en étant très
solide vocalement. Les interprètes féminines principales assurent bien
leur partie dans les airs et duos, même si le livret ne leur offre que
peu d’opportunité de se distinguer au niveau théâtral.
On notera enfin le brio toujours savoureux de piquant et d’esprit de
l’ensemble Les Frivolités Parisiennes, dirigé par un Nicolas Chesneau
très en verve. Ce dernier donne beaucoup d’élan à l’ensemble par son
attention aux moindres rebonds rythmiques, comme à l’articulation avec
le plateau, jamais couvert. Un spectacle très réussi, à voir jusqu’au
31 mars, dans le cadre toujours aussi intime que délicieux de l’Athénée.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
mercredi 23 mars 2022
« Là-Haut » de Maurice Yvain - Théâtre de l'Athénée à Paris - 22/03/2022
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