Comme chaque année, les étudiants en fin d’études vocales et
instrumentales du Conservatoire de Paris présentent un spectacle qui
leur donne une expérience au plus haut niveau, tout en permettant aux
professionnels de repérer les plus doués d’entre eux. Après Le Tour d’écrou de Britten l’an passé,
leur choix s’est porté vers l’opérette viennoise chère à Johann Strauss
(1825-1899), ce qui permet l’adjonction d’un chœur composé spécialement
pour l’occasion. Le bref intermède dansé au II donne quant à lui
l’occasion de découvrir le talent des élèves dirigés par Bruno Bouché,
tout en surprenant par le choix d’une musique électronique composée à
partir de thèmes de Strauss – dont l’incontournable valse Le Beau Danube bleu.
Le niveau vocal de cette promotion est des plus réjouissants, tant on
peine à trouver une faiblesse parmi les jeunes interprètes réunis. On se
délecte d’emblée du chant radieux de Yeongtaek Seo (Alfred), au niveau
technique superlatif, tandis que Benoît Rameau (Eisenstein) impressionne
par son aisance scénique, avec un débit fluide et naturel. On aime
aussi la fraîcheur de la Rosalinde de Parveen Savart, à l’aigu agile et
aérien – même si l’on note des graves trop discrets lorsque la voix
n’est pas en pleine puissance. A ses côtés, Clémence Danvy (Adele)
s’impose par ses aigus rayonnants, tandis que Floriane Hasler (Orlofsky)
donne une leçon d’articulation, au service d’un timbre splendide. La
direction très solide de Lucie Leguay imprime quant à elle des tempi
très vifs aux chanteurs, « pour les sortir de leur zone de confort »
comme elle le précise dans le programme. Pour autant, ce rythme
endiablé est parfois trop soutenu et surtout trop sonore dans les tutti,
au détriment des chanteurs les moins puissants. C’est d’autant plus
regrettable que l’orchestre donne beaucoup de plaisir, tout
particulièrement un superbe pupitre de violoncelles.
La mise en scène de Nicola Raab, dont a pu découvrir le travail à Strasbourg dans Rusalka en 2019, puis à Dijon dans Macbeth en 2021,
joue la carte de la sobriété, en s’appuyant sur une scénographie très
sombre magnifiée par la variété du jeu d’éclairage. Comme à son
habitude, l’Allemande ne se contente pas de cet écrin de toute beauté et
cherche à donner davantage de profondeur au livret, en cherchant à le
faire résonner avec l’actualité contemporaine – ici une mise en abyme
sur la prise de rôle des étudiants du Conservatoire pour cette Chauve-Souris.
D’emblée, tout en réduisant les dialogues au minimum, elle cherche
ainsi à mettre le récit à distance, en rappelant les artifices du
théâtre et du jeu sur les apparences, propre à la mascarade. Pour
autant, cette idée apporte une certaine confusion dans le récit, où l’on
peine à distinguer les différents rôles de ce jeu de dupe, notamment le
rapport dominant-dominé très présent dans le livret.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire