Il faut se précipiter à Toulouse pour la nouvelle production de Parsifal,
dont le plateau vocal de premier plan justifie à lui-seul de réserver
sa place au Capitole. On se demande comment le directeur artistique,
Christophe Ghristi, est parvenu à réunir des chanteurs d’une telle
trempe, à juste titre vivement applaudis par le chaleureux public
toulousain tout au long de la soirée. A l’applaudimètre, Sophie Koch
l’emporte par son chant vibrant et investi, nous rappelant son récent
succès dans l’une des plus belles productions d’Ariane et Barbe-Bleue qu’il nous ait été donné de voir ici-même.
Si l’émission de la mezzo française convainc par sa souplesse et sa
facilité dans la puissance d’incarnation, on sera toutefois plus réservé
au niveau des parties déclamatoires de son rôle, où le vibrato est plus
audible. C’est là une différence stylistique avec ses partenaires
masculins, tous très investis également. Ainsi du toujours aussi
admirable Nikolai Schukoff, dont la justesse d’intention et
l’investissement dramatique n’ont d’égal que l’éclat vocal: les années
semblent n’avoir guère de prise sur les moyens de cet artiste – et ce
malgré d’infimes détails, tel un aigu un peu serré dans les
accélérations.
On ne présente plus également la figure de Matthias Goerne, dont la prestation déchirante constitue l’autre temps fort de la soirée: ses phrasés inouïs de précision et de profondeur dans le détail de chaque syllabe sont un régal de chaque instant, où la concentration est palpable dans le public. On ne saurait non plus oublier le souverain Peter Rose, au timbre de voix quasi intact malgré les années, d’une probité artistique sans faille et toujours sûr de ses moyens. Le solide Pierre-Yves Pruvot assure bien sa partie, avec toutefois un léger manque de graves et quelques passages en force, tandis que les seconds rôles ne montrent pas de faiblesse. On préférera grandement la prestation des chœurs masculins, très touchants dans l’attention au texte, là où leurs homologues féminines laissent entendre quelques imperfections dans les aigus difficiles de la scène du jardin des filles-fleurs.
On ne présente plus également la figure de Matthias Goerne, dont la prestation déchirante constitue l’autre temps fort de la soirée: ses phrasés inouïs de précision et de profondeur dans le détail de chaque syllabe sont un régal de chaque instant, où la concentration est palpable dans le public. On ne saurait non plus oublier le souverain Peter Rose, au timbre de voix quasi intact malgré les années, d’une probité artistique sans faille et toujours sûr de ses moyens. Le solide Pierre-Yves Pruvot assure bien sa partie, avec toutefois un léger manque de graves et quelques passages en force, tandis que les seconds rôles ne montrent pas de faiblesse. On préférera grandement la prestation des chœurs masculins, très touchants dans l’attention au texte, là où leurs homologues féminines laissent entendre quelques imperfections dans les aigus difficiles de la scène du jardin des filles-fleurs.
Sophie Koch et Nikolai Schukoff |
L’autre grand triomphateur de la soirée est sans conteste l’Orchestre
national du Capitole, qui prouve, une fois encore, sa position dominante
parmi les formations hexagonales, voire au-delà: invité pour
l’occasion, le chef allemand Frank Beermann a semblé on ne peut plus
agréablement surpris par la chaleur de cet accueil. La baguette de
l’ancien directeur musical de l’Opéra de Chemnitz, entre 2007 et 2016
(voir notamment Le Nain donné en 2016),
épouse d’emblée la proposition théâtrale austère d’Aurélien Bory, en
refusant toute la lumière attendue pendant le Prélude au tempo
marmoréen: cette conception surprenante mais cohérente, entre allégement
des textures et refus du vibrato, offre ensuite un écrin de douceur aux
chanteurs, ainsi mis en valeur par l’orchestre volontairement en
retrait. La direction sait toutefois s’enflammer dans les passages où le
récit fait place à l’action, montrant combien Beermann n’en oublie pas
le nécessaire théâtre.
On n’en dira malheureusement pas autant de la proposition visuelle d’Aurélien Bory, ratage pratiquement complet tout au long de la soirée. En plongeant les spectateurs dans la pénombre, le plasticien français s’enferme dans la performance artistique, jouant avec les néons, les bouts de corps fantomatiques projetés sur un mur, ou encore quarante-neuf ampoules en forme d’évocation cosmique du Graal. Tous ces effets visuels laissent le plus souvent les chanteurs à eux-mêmes, quand ils ne sont pas placés en des positions ridicules – enferrés dans une forêt stylisée au I ou déplacés maladroitement sur de petits cubes par quelques figurants. L’économie de moyens à l’œuvre pendant les quatre heures de spectacle n’aide guère le spectateur à accompagner le voyage initiatique et mystique de Parsifal. Dans une conception similaire, on avait grandement préféré le travail de Christophe Nel à Francfort en 2015, moins radical au niveau des éclairages notamment. En spécialiste reconnu du rapport visuel à l’espace, Aurélien Bory doit nécessairement appréhender les contraintes liées à la jauge d’une salle à l’italienne comme le Capitole (d’un peu plus de mille places), où certains spectateurs sont éloignés de 15 à 20 mètres de la scène : dans ce contexte, ce qui fonctionne dans les petits locaux d’une exposition contemporaine ne peut être transposé à l’identique dans une salle d’Opéra. Puisse le plasticien méditer là-dessus à l’avenir et nous éviter un pareil ratage.
On n’en dira malheureusement pas autant de la proposition visuelle d’Aurélien Bory, ratage pratiquement complet tout au long de la soirée. En plongeant les spectateurs dans la pénombre, le plasticien français s’enferme dans la performance artistique, jouant avec les néons, les bouts de corps fantomatiques projetés sur un mur, ou encore quarante-neuf ampoules en forme d’évocation cosmique du Graal. Tous ces effets visuels laissent le plus souvent les chanteurs à eux-mêmes, quand ils ne sont pas placés en des positions ridicules – enferrés dans une forêt stylisée au I ou déplacés maladroitement sur de petits cubes par quelques figurants. L’économie de moyens à l’œuvre pendant les quatre heures de spectacle n’aide guère le spectateur à accompagner le voyage initiatique et mystique de Parsifal. Dans une conception similaire, on avait grandement préféré le travail de Christophe Nel à Francfort en 2015, moins radical au niveau des éclairages notamment. En spécialiste reconnu du rapport visuel à l’espace, Aurélien Bory doit nécessairement appréhender les contraintes liées à la jauge d’une salle à l’italienne comme le Capitole (d’un peu plus de mille places), où certains spectateurs sont éloignés de 15 à 20 mètres de la scène : dans ce contexte, ce qui fonctionne dans les petits locaux d’une exposition contemporaine ne peut être transposé à l’identique dans une salle d’Opéra. Puisse le plasticien méditer là-dessus à l’avenir et nous éviter un pareil ratage.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire