L’année du quatre centième anniversaire de la naissance de Molière est
l’occasion de remettre au goût du jour ses nombreuses comédies‑ballets,
dont la plupart des musiques ont été écrites par Marc‑Antoine
Charpentier ou Jean‑Baptiste Lully. C’est précisément le cas pour les
trois productions, Le Mariage forcé (1664), Le Sicilien ou l’Amour peintre (1667) et Le Malade imaginaire
(1673), défendues par le Centre de musique baroque de Versailles avec
Hervé Niquet, autour d’une vaste tournée à travers la France, toujours
en cours. Dans le même temps, Michel Fau poursuit depuis l’an passé sa
propre tournée dans l’Hexagone, tout aussi impressionnante en termes de
nombre de dates, afin de présenter la méconnue comédie‑ballet de Lully
et Molière, George Dandin ou le Mari confondu (1668).
C’est désormais le tour du Théâtre de l’Athénée d’accueillir ce
spectacle à ne rater sous aucun prétexte, tant il fait honneur au genre,
tout en le dépoussiérant avec malice. C’est là la marque de fabrique de
Michel Fau, dont on ne rate désormais aucun des spectacles, qui
s’entoure d’une fine équipe pour faire vivre de son humour désopilant
les malheurs de Georges Dandin. On ne pouvait rêver meilleur écrin pour
cette pièce qui moque le mariage par ambition, s’amusant autant à
critiquer la bourgeoisie avide d’honneurs que l’aristocratie
désargentée. Mais c’est aussi l’occasion d’attaquer les conventions
autour du mariage – Molière osant ici faire l’éloge des amours
infidèles, tout en s’offrant le luxe d’une fin amorale, où Dandin est
une énième fois ridiculisé.
Michel Fau s’empare d’emblée de son personnage en lui donnant force
crédibilité par mille détails, de sa gestuelle embarrassée aux regards
hallucinés, sans jamais forcer le trait : si exagération il y a, elle
est toujours au service de la farce. On aime aussi l’attention portée à
la diction, dont chaque syllabe est précisément déliée, sans maniérisme.
On gagne ainsi en parfaite compréhension du texte, y compris dans les
passages chantés. Même si la pastorale interprétée par quatre chanteurs
(deux hommes et deux femmes – ces dernières meilleures au niveau vocal,
mais plus réservées au niveau interprétatif) n’a pas grand‑chose à voir
avec la pièce de Molière, Michel Fau essaie de la lier à l’action,
évoquant une sorte de cauchemar dont il serait la victime. Comme à
l’habitude, les éclairages de Joël Fabing font la part belle aux
couleurs bleues, rouges ou vertes, donnant ainsi une distance bienvenue
au spectateur, tandis que les éléments de décor distinguent les deux
mondes, bourgeois et aristocratique, en donnant du volume à l’ensemble.
Les magnifiques costumes d’époque de Christian Lacroix parachèvent cette
lecture cohérente, qui offre un subtil compromis entre réalisme et
distanciation critique.
Tous les comédiens réunis par Michel Fau se montrent à la hauteur de
l’événement, donnant une truculence à chacune de leurs interventions par
leur capacité à personnaliser leur rôle avec force mimiques : on aime
autant la balourdise farfelue de Florent Hu (Lubin) que les graves
impertinents de Nathalie Savary (Claudine), sans parler des superficiels
tourtereaux incarnés par Alka Balbir et Armel Cazedepats. Enfin,
Philippe Girard et Anne‑Guersande Ledoux composent des parents tout
aussi désopilants par leur mélange de raideur et d’intonations
comiques – le tout sous la direction de Gaétan Jarry au clavecin, à la
tête d’un Ensemble Marguerite Louise très en verve.
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