samedi 4 juin 2022

Concert de l’Orchestre Les Siècles - François-Xavier Roth - Philharmonie de Paris - 02/06/2022

 

On ne peut que s’associer à François‑Xavier Roth, qui a pris la parole à l’issue du présent concert, pour se féliciter de la promotion de la musique de César Franck par le neuvième festival du Palazzetto Bru Zane à Paris. Plus intimement, le chef français n’en oublie pas d’évoquer la découverte du compositeur franco‑liégeois dès son enfance grâce à son père, l’organiste Daniel Roth.

On retrouve l’une des pièces les plus brillantes composées par Franck, en 1883, pour débuter le concert : avec Le Chasseur maudit, tous ses talents d’orchestrateur sont mis en avant, et ce dès l’appel solennel des cors à l’unisson qui évoque la chasse au début – une périlleuse entrée parfaitement maitrîsée, à l’exception d’un couac lors de la deuxième reprise du thème. Comme à son habitude, l’orchestre Les Siècles, fondé par Roth en 2003, joue sur instruments d’époque, en un allégement chambriste voulu par son chef tout du long. A l’élan péremptoire des cors s’opposent des vents un rien trop timides (une constante du concert), en contraste avec les déflagrations verticales dans les tutti. Le thème principal entêtant évoque aussi brièvement l’art de la répétition à l’œuvre dans les scherzos de Bruckner, avant de s’en distinguer par la finesse des détails qui parcourent tous les pupitres, en un geste toujours aérien et souple. Roth impressionne par sa capacité à faire rugir ses troupes pour mieux les apaiser ensuite, mettant en valeur son art millimétré des nuances. La vitalité donne beaucoup de plaisir, notamment l’exacerbation des contrechants des premiers violons pour mieux figurer l’ambiance fantastique et fantomatique en fin d’ouvrage.

Après cette mise en bouche stimulante, l’orchestration plus aérée du premier poème symphonique de Franck, Les Eolides (1877), surprend par sa grâce un rien plus flottante, avant que Roth n’agence ce magma d’éléments disparates avec maestria. La légèreté facétieuse des vents ne dure guère, le chef imprimant le discours narratif d’ensemble au moyen des cordes, en une grâce chambriste qui évoque Sibelius. Si le thème mélodique principal scandé à la manière de Liszt annonce quelque peu le style de la Symphonie en ré mineur, on aime aussi l’art des variations, d’une richesse d’inspiration infinie, typique de l’inspiration franckiste.

Bertrand Chamayou

C’est à nouveau l’influence de Liszt qui parcoure Les Djinns (1885), dont l’écriture vigoureuse pour le piano insuffle un sentiment d’urgence continu. Le piano toujours probe et précis de Bertrand Chamayou évite toute effusion lyrique et apporte beaucoup de lisibilité à l’ouvrage, le tout admirablement soutenu par les myriades de détails en contraste à l’orchestre. Le virage stylistique n’en est que plus saisissant avec les Variations symphoniques (1886), où Franck laisse entrevoir quelques états d’âme au piano, avec un orchestre étonnamment plus discret. Chamayou impressionne par sa concentration précise, se jouant à merveille des sonorités moins brillantes du Pleyel (1905) mis à sa disposition. Le délicieux et mélancolique bis, la Danse lente (1885) de Franck, laisse toutefois entrevoir quelques légers problèmes de saturation, dans les aigus surtout.

Après l’entracte, Roth s’attaque à l’ouvrage le plus célèbre de Franck, sa Symphonie en ré mineur (1888), en poursuivant sa lecture sans vibrato, ni pathos, au service d’une exacerbation des contrastes et du respect des nuances. Malgré tous les détails révélés dans les passages apaisés, l’orchestre déçoit dans les tutti, en n’arrivant pas à se hisser au niveau des phalanges plus prestigieuses (une comparaison inévitable pour cette symphonie archi‑rebattue, au disque notamment). On est ainsi déçu par les cuivres, tour à tour grasseyants et chaloupés, mais également la sonorité sans grâce des cordes, et ce malgré un beau travail de différenciation des pupitres. La sensibilité du début de l’Allegretto (notamment le superbe solo du premier cor), comme la souplesse féline, ne compensent qu’imparfaitement une lecture par trop séquentielle. Souvent cinglant, le Finale continue de souffler le chaud et le froid, entre intelligence de la lecture musicale et orchestre trop ingrat de sonorités dans ce répertoire. Dommage.

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