vendredi 24 juin 2022

« La Vestale » de Gaspare Spontini - Christophe Rousset - Théâtre des Champs-Elysées à Paris - 22/06/2022

Aujourd’hui quelque peu oubliée, la musique de Gaspare Spontini (1774-1851) fut pourtant l’une des préférées de Napoléon Bonaparte, à l’instar de celle de son ainé Niccolò Zingarelli (1752-1837), récemment redécouverte par l’Opéra de Versailles, avec l’un de ses plus grands succès, Giulietta e Romeo (1796). Alors que Spontini tentait de faire carrière à Paris dans l’ombre de Cherubini, La Vestale (1807) rencontra un succès inattendu, du fait d’un livret statique aux péripéties peu nombreuses, sans parler de l’inspiration musicale inégale, surtout le faible premier acte. Pour autant, l’ouvrage ne manque pas d’atouts, ayant su résister aux outrages du temps par le rôle éminent confié au destin de Julia, dont les accents tragiques ont su séduire les plus grandes cantatrices, de Maria Callas à Renata Scotto, en passant par Montserrat Caballé. On pense aussi à la Médée (1797) de Cherubini, qui possède les mêmes qualités au service des grands tempéraments (par exemple en 2012, toujours au Théâtre des Champs-Elysées).

Plus encore que cet attrait vocal irrésistible, influencé par la déclamation éloquente de la tragédie lyrique (notamment les audaces verticales et le rôle proéminent du chœur, proches du Thésée de Gossec – voir l’excellent disque de Guy Van Waas), l’ouvrage impressionne par sa capacité à innover sur de nombreux plans : autant la forte présence des cuivres que les détails raffinés aux vents en contraste, eurent une influence durable sur Berlioz et Meyerbeer, tandis que la continuité dramatique entre les scènes (réduction drastique des numéros séparés) ne manqua pas de séduire le jeune Wagner. On pense aussi à Bellini dans les passages plus apaisés, d’une douceur diaphane, même si Spontini déçoit le plus souvent dans l’inspiration mélodique.

Marina Rebeka et Christophe Rousset

On doit l’origine de ce projet aux équipes du Palazzetto Bru Zane, déjà aux manettes pour la résurrection d’Olympie du même Spontini (voir le disque édité par le Palazzetto avec Jérémie Rohrer), qui outre la représentation en version de concert, donnera lieu à l’édition d’un disque avec la même distribution vocale. C’est heureux, tant on touche à l’un des grands points forts de la soirée, illuminée par la présence de Marina Rebeka (voir l’entretien qu’elle avait accordé à la rédaction pour son album Spirito). La Lettone n’a pas son pareil pour se jouer de toutes les difficultés vocales du rôle, autour d’une émission souple sur toute la tessiture, ainsi qu’une belle attention aux nuances. Seuls certains passages semblent la montrer moins à son aise au niveau de la projection dans les graves, mais le disque devrait gommer ces imperfections de détail.

A ses côtés, bien qu’un rien trop timide dans l’incarnation au début, Stanislas de Barbeyrac compose un vibrant Licinius, au timbre de velours parfaitement articulé. On aime aussi le Souverain pontife éloquent de Nicolas Courjal, toujours aussi investi dramatiquement, de même que la percutante Grande Vestale d’Aude Extrémo, qui bénéficie de la rondeur et de la résonance impeccables de ses phrasés. Tassis Christoyannis et David Witczak complètent cette distribution de haut niveau avec bonheur, imposant leur qualité de diction décisive dans ce répertoire, tandis que le Chœur de la Radio flamande montre combien la semaine d’enregistrement avec le Palazzetto lui a été bénéfique, au service d’une précision bienvenue dans les attaques comme dans la souplesse des transitions.

Enfin, Christophe Rousset surprend dès l’ouverture par sa volonté d’allègement et de minutie dans les détails, en un sens de la respiration toujours attentif à la conduite du discours musical d’ensemble, menant de main de maître sa formation sur instruments d’époque, Les Talens Lyriques, parfois en difficulté dans les parties périlleuses (quelques verdeurs aux vents et imprécisions aux cors). Là encore, le disque saura gommer ces quelques imperfections inévitables lors d’un concert.

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