mercredi 3 avril 2019

« Le Postillon de Lonjumeau » d'Adolphe Adam - Michael Spyres - Opéra Comique - 01/04/2019

En partenariat avec l’Opéra de Rouen Normandie, la nouvelle production du Postillon de Lonjumeau est un événement : l’ouvrage n’avait plus été donné à l’Opéra Comique depuis 1894. Après Ciboulette de Raynaldo Hahn en 2013, Michel Fau revient Salle Favart avec une mise en scène éclatante au niveau visuel, servie par un Michael Spyres en grande forme.


Les spectacles mis en scène par Michel Fau font désormais partie des incontournables à ne manquer sous aucun prétexte, ce qui explique la foule venue en nombre salle Favart pour découvrir Le Postillon de Lonjumeau (écrit sans « g » en 1836). Cet ouvrage célébré tout au long du XIXe siècle et par trop délaissé aujourd’hui, séduit par le talent mélodique et l’orchestration délicieusement passéiste d’Adolphe Adam (1803-1856), un compositeur bien éloigné des innovations de son contemporain Berlioz.

Parmi les plus grands succès de sa carrière figure précisément Le Postillon, dont s’empare Michel Fau avec maestria, moquant les naïvetés de l’ouvrage par une scénographie girly aux tons pastel. On est ainsi saisi dès le lever de rideau par la malice farfelue de la pièce montée qui occupe tout l’espace, permettant de se jouer habilement de l’exiguïté de la scène. De même, les toiles peintes modernisent astucieusement les scénographies Louis XV (période où se situe l’ouvrage) tout en revisitant l’univers floral campagnard en autant de variations enchevêtrées. Les éclairages directs dissimulés dans la rampe permettent de saisir chaque détail des splendides costumes à l’ancienne (là aussi discrètement modernisés), tandis que la minutie de la reconstitution n’en oublie pas perruques et maquillages, parfaitement réalisés dans l’esprit du XVIIIe siècle.

Autour de cet écrin luxueux, la direction d’acteur apporte une sobriété bienvenue en contraste, tout en donnant davantage d’ampleur à la servante incarnée par Michel Fau, qui apparaît avec l’héroïne dans les mêmes atours, comme un double bienfaisant. Outre l’hilarité que procurent ses phrasés langoureux ou sa gestuelle empruntée, le comédien renforce opportunément le jeu théâtral lors des interventions féminines, tout en donnant de la crédibilité à la scène de la duperie dans le noir au III. On pourra dès lors regretter que l’aisance dramatique de Florie Valiquette, correcte, ne soit pas davantage à la hauteur de son partenaire. La Canadienne peine aussi à déployer sa petite voix au-delà de l’orchestre dans le parlé-chanté, tout en assurant mieux les airs avec son émission ronde et souple. 


Vivement applaudi en fin de représentation, Michael Spyres compose quant à lui un double-rôle irrésistible de fourberie, s’imposant à force de nuances dans les phrasés et d’aisance sur toute la tessiture. Privé d’air individuel, Franck Leguérinel affiche un abattage scénique de tous les instants (la mise en scène ayant la bonne idée de suggérer que Corcy en pince aussi pour le Postillon), tandis que Laurent Kubla compense graves insuffisants et faible projection par un jeu bien incarné.

A la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, Sébastien Rouland se montre quelque peu timide en début de représentation, demandant manifestement à ses musiciens d’alléger les textures pour ne pas couvrir les chanteurs : on gagne en détails raffinés ce que l’on perd en électricité. Fort heureusement, l’ancien assistant de Marc Minkowski se reprend après la pause et donne davantage de vigueur à son geste. On notera seulement un départ raté dans la toute dernière scène, occasionnant un cafouillage vite rattrapé avec le plateau. La gravure prévue devrait compenser ces quelques imperfections, tout en faisant espérer une prochaine résurrection lyrique excitante : et pourquoi pas Giralda (1850) du même Adam, l’un de ses ouvrages les plus reconnus, encore inédit au disque ?

mardi 26 mars 2019

Concert de l’Orchestre national de Lyon - Nicholas Collon - Auditorium de Lyon - 23/03/2019

Nicholas Collon
La célébration du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale se poursuit à l’Auditorium de Lyon jusqu’à la fin de la saison, offrant au public de nombreuses manifestations variées. Ainsi du présent concert, qui constitue l’un des grands temps forts de la saison avec son programme splendide (quatre œuvres et autant de chefs-d’œuvre) et admirablement construit (les œuvres durent une vingtaine de minutes chacune). C’est bien entendu le Concerto pour la main gauche de Ravel qui émeut dans ce contexte, tant on se souvient que son commanditaire, le pianiste autrichien Paul Wittgenstein, perdit son bras droit pendant le funeste conflit. Même si Wittgenstein eut du mal à s’approprier le concerto de Ravel en son temps, c’est pourtant bien celui qui reste aujourd’hui au répertoire, quand les autres ouvrages composés pour lui, ceux de Britten, Hindemith, Korngold, Prokofiev ou Strauss, restent moins fréquentés en comparaison.

A la tête d’un excellent Orchestre national de Lyon, le jeune Nicholas Collon (né en 1983) rate le tout début du concerto en refusant de fouiller les ambiances morbides pour privilégier une lecture d’une parfaite mise en place, aux textures allégées et sans vibrato. Bénéficiant du piano au toucher franc et lumineux de Jean-Efflam Bavouzet, cette optique tourne le concerto vers Liszt, alternant en contraste passages péremptoires et traînants. La dernière partie, plus jazzy et animée, permet à Collon de mettre en valeur la rythmique bondissante, tout en appuyant certains tutti. On note aussi un travail intéressant sur les oppositions piano/forte, bien différenciées. Les deux hommes s’entendent à merveille sur cette optique dépassionnée, avant de se retrouver pour un bis donné à quatre mains, la délicieuse «Laideronnette, impératrice des pagodes», extraite de Ma mère l’Oye (1910).
Jean-Efflam Bavouzet
En début de concert, Jean-Efflam Bavouzet s’était également illustré dans les Variations symphoniques de Franck, en un toucher toujours précis et élégant, avec un Collon s’en tenant à une lecture respectueuse de la partition, probe et sereine. L’équilibre classique qui en résulte met en avant la mélodie principale, évoquant Saint-Saëns sur la fin de l’œuvre. On soulignera enfin la propension du chef britannique à mettre en valeur les reprises virtuoses après des silences bien tenus, le tout en une élégance jamais prise en défaut. Bon accompagnateur, il laisse cependant percevoir quelques limites dans son interprétation du répertoire symphonique. Ainsi de son optique probe dans la Septième Symphonie de Sibelius, qui privilégie à nouveau la mélodie principale, sans fioritures ou détails révélés. L’orchestre est superbe, mais n’ôte pas un gout d’inachevé face à cette lecture trop impersonnelle.

La Suite de L’Oiseau de feu (1919) de Stravinski reste dans le même moule interprétatif qui fuit le narratif et le lyrique pour préférer une lecture débarrassée de toute aspérité. On gagne en musique pure ce que l’on perd en personnalité, ce qui dénie le souffle attendu en maints endroits, même si Collon se rattrape par des oppositions aériennes entre pupitres, en des tempi allants. Il est moins à l’aise dans les parties lentes, plus dénervées, tandis que le jeu sur la dynamique est moins présent. L’ennui pointe et la salle tousse. On est ensuite surpris de découvrir quelques passages empruntés à Rimski-Korsakov ou Moussorgski, avant que le finale n’alterne passages splendides (détails dans les pianissimi, cor solo superlatif) et raideurs volontiers teintées de noir et blanc. Un concert qui démontre, s’il en est encore besoin, le haut niveau de l’Orchestre national de Lyon, tout en laissant quelque peu dubitatif face à un chef par trop pudique.

lundi 25 mars 2019

« L’Enchanteresse » de Tchaïkovski - Andriy Zholdak - Opéra de Lyon - 22/03/2019


On saluera encore une fois l’audace de la programmation de l’Opéra de Lyon, qui nous permet cette année de découvrir sur scène le rarissime L’Enchanteresse (1887), neuvième opéra de Tchaïkovski, composé peu de temps avant sa Cinquième Symphonie. Délaissé dans nos contrées au profit des ouvrages plus connus (la seule représentation récente a été donnée à Anvers en 2011), tels qu’Eugène Onéguine (1879) ou La Dame de pique (1890), L’Enchanteresse est desservi par un livret alambiqué  et, dans une moindre mesure, par sa durée: les trois heures de musique en font le plus long ouvrage lyrique composé par Tchaïkovski. Fort heureusement, l’inspiration musicale se délecte des nombreuses atmosphères, de la grande beuverie populaire initiale aux duos assassins entre époux au II, sans parler des danses irrésistibles ou des scènes de chasse au IV. On est souvent emporté par l’ivresse mélodique toujours renouvelée, tout autant que la variété des duos et ensembles pour chaque scène.

S’il faut dès lors absolument connaître cet ouvrage, il reste le problème de son livret confus, auquel s’attaque Andriy Zholdak avec audace: après son controversé Roi Candaule de Zemlinsky à Anvers en 2016, le metteur en scène russe cherche à donner davantage d’épaisseur psychologique aux trop nombreux personnages en présence. Pour cela, il choisit de mettre au centre de l’action la figure secondaire du clerc Mamyrov dès le début de l’ouvrage, en montrant des images vidéo de l’ecclésiastique après son office lyonnais, dans la sphère privée: équipé d’un appareil de réalité virtuelle augmentée, le clerc quitte la capitale des Gaules pour se retrouver propulsé dans la Russie de Nastassia et ses acolytes, en les faisant agir à sa guise, intervenant dans l’action au gré de ses fantasmes les plus délirants. Les deux premiers actes sont ainsi une réussite marquante de ce point de vue, tant les nombreuses outrances impriment un rythme sans temps mort, le tout magnifié par une scénographie splendide. Zholdak a en effet la bonne idée de répartir l’action en trois lieux distincts, tel un triptyque religieux, qui donnent à voir de nombreux et inattendus sous-textes au livret (le culte du corps moqué, la prédation sexuelle omniprésente, etc.). On découvre ainsi le double jeu hypocrite de la plupart des «méchants», tous englués dans une bigoterie de façade, tout en s’adonnant à de multiples perversions, telle une ronde des luxures: le parallèle avec le contexte lyonnais actuel n’en est ainsi que plus fort.

Pour autant, Zholdak montre rapidement quelques limites avec une propension à en faire trop, signifiant et sur-signifiant la moindre intention musicale, y compris dans certaines scènes où le livret tient la route (tel l’affrontement déjà cité entre les époux au II). Il n’évite pas, aussi, certaines redondances fatigantes à la longue et pas toujours très lisibles – notamment la présence des guerrières japonaises sexy façon manga, trop souvent sollicitée. Plus grave, avec des lieux peu pertinents par rapport à l’action, il semble peu inspiré lors des deux derniers actes, donnant une furieuse impression de tourner en rond par rapport à la première partie de soirée.


Face à cette mise en scène inventive mais trop inégale, copieusement sifflée en fin de représentation, le plateau vocal réuni s’avère réjouissant de bout en bout, particulièrement les seconds rôles superlatifs et du côté féminin. Très applaudie, Elena Guseva (Nastassia) s’impose logiquement à force de rondeur d’émission, mettant en valeur son timbre superbe. Seul le suraigu semble parfois souffrir d’un léger saut de registre, ce qui est largement compensé par un investissement dramatique de tous les instants. De caractère, Ksenia Vyaznikova (Romanovna) ne manque pas, donnant à son rôle une présence physique irrésistible, le tout avec une aisance technique confondante: on aimerait l’entendre à nouveau très vite dans l’Hexagone. A ses côtés, les premiers rôles masculins sont moins impressionnants, tout en offrant une bonne prestation d’ensemble. Ainsi d’Evez Abdulla (Kourliatev), à l’émission un peu serrée mais qui parvient à séduire par sa belle ligne de chant, très noble. Migran Agadzhanyan est quant à lui un Youri satisfaisant, même si le timbre n’est pas aussi opulent et préservé que ses comparses.

Enfin, Daniele Rustioni dirige un Orchestre de l’Opéra de Lyon en grande forme, donnant beaucoup d’énergie et d’enthousiasme à l’ensemble du plateau, même si l’on note ici et là quelques décalages, sans doute dus au nombre conséquent d’interprètes en présence. Outre les représentations lyonnaises, il sera possible de découvrir la captation radiophonique de cette production sur France Musique, le 14 avril prochain.

mardi 19 mars 2019

« Beatrix Cenci » d’Alberto Ginastera - Mariano Pensotti - Opéra national du Rhin à Strasbourg - 17/03/2019


Après avoir mis le Japon à l’honneur l’an passé (avec notamment la création de l’opéra Le Pavillon d’or de Toshiro Mayuzumi), le festival pluridisciplinaire Arsmondo rend hommage à l’Argentine, en proposant jusqu’au 17 mai toute une série d’événements culturels liés à ce pays. Outre la création française de Beatrix Cenci d’Alberto Ginastera (1916-1983) à l’Opéra du Rhin, on recommandera la visite de l’exposition éponyme au Musée des Beaux-Arts, tout autant que les représentations filmées de Beatrice Cenci de Berthold Goldschmidt et surtout de Bomarzo (1967), le plus célèbre ouvrage de Ginastera – tous deux projetés le 6 avril prochain à l’Opéra de Strasbourg. En attendant, le public pourra se familiariser avec le dernier ouvrage lyrique de Ginastera, créé en 1971 pour l’inauguration du Kennedy Center de Washington (tout comme Mass de Leonard Bernstein).

De quoi nous rappeler combien ce compositeur, dont le répertoire symphonique est aujourd’hui revisité par plusieurs disques dus à la curiosité du chef Juanjo Mena (pour Chandos), avait su s’imposer au firmament des artistes reconnus en Amérique, mais également en France (voir notamment la biographie rédigée par l’IRCAM). Au fait de ses moyens en 1971, Ginastera assemble des éléments épars avec virtuosité, en de brefs crescendos interrompus brutalement, au profit de silences ou de tuttis qui mettent en contraste graves inquiétants et suraigus stridents. Unissons paroxystiques, sonorités étranges, pastiches du Moyen Age s’allient à l’inventivité de l’écriture pour les voix (chuchotements, sifflements, etc) – bien rendue ici par l’admirable chœur de l’Opéra du Rhin. Le langage varié de Ginastera multiplie par ailleurs les dissonances dans l’esprit avant-gardiste de l’époque, mais n’en oublie jamais la nécessité d’un discours musical au service du livret.


Après le succès et la polémique engendrée par son opéra précédent Bomarzo (interdit dans son propre pays pour des raisons politiques), Ginastera s’inspire de l’affaire Cenci, popularisée en France par Stendhal et Dumas : ce fait divers sordide du XVIème siècle reste terriblement actuel par le récit saisissant d’une vengeance familiale sur fond d’inceste. Assez court (1h30), l’ouvrage de Ginastera surprend quant à lui par son livret tour à tour réaliste et poétique. En cause, la mésentente des deux librettistes William Shand et Alberto Girri qui donne des passages étranges et désincarnés, étonnamment mêlés aux accélérations subites du récit, lorsque les attendus dramatiques s’imposent à l’action.

L’argentin Mariano Pensotti (né en 1973), dont c’est là la première mise en scène lyrique, s’empare de cette dualité en proposant un climat d’étrangeté proche du cinéma fantastique : la succession lancinante de l’ensemble des pièces de la maison Cenci, au moyen d’un plateau tournant, est un régal pour les yeux, distillant ses discrets éléments d’étrangeté tels les chiens empaillés ou le costume d’handicapée de l’héroïne (une évocation de l’appétence pour la souffrance qui rappelle autant les films Crash de Cronenberg que La piel que habito d’Almodovar). Autour d’une transposition dans les années 1960, superbe au niveau visuel, les différents tableaux dévoilés donnent un climat hypnotique et fascinant jusqu’à la césure des préparatifs du meurtre, représentée par un vaste mur froid et gris.


Bénéficiant de la direction flamboyante de Marko Letonja, l’ensemble des interprètes livre une prestation habitée, au premier rang desquels le Francesco retors de Gezim Myshketa, aux graves bien projetés. C’est peut-être plus encore Ezgi Kutlu (Lucrecia Cenci) qui convainc à force d’opulence dans l’émission et de conviction dramatique. D’abord timide au début, conformément à son rôle, Leticia de Altamirano (Beatrix Cenci) déploie ensuite sa petite voix pour endosser ses habits d’héroïne blessée et fragile. En cela, elle donne une attention toute de finesse et d’à-propos à sa prestation, tout à fait bienvenue. Un spectacle réussi que l’on conseille de découvrir très vite pour parfaire sa connaissance de la musique de la deuxième moitié du XXème siècle.

lundi 18 mars 2019

« Dalibor » de Bedrich Smetana - Florentine Klepper - Opéra de Francfort - 16/03/2019


En dehors de l’incontournable chef-d’œuvre lyrique de Smetana, La Fiancée vendue (1866), il est bien difficile de découvrir les autres ouvrages du maître tchèque en dehors de son pays natal. Après Les Deux Veuves (1874) présenté à Nantes en 2012, l’Opéra de Francfort a choisi cette année de nous faire découvrir Dalibor dans sa version allemande: perçu comme patriotique à sa création en 1868, l’ouvrage fait l’éloge d’un chevalier qui se fait justice lui-même, recevant l’assentiment populaire face à l’autorité judiciaire et royale. Le royaume de Bohème est alors intégré à l’empire d’Autriche, ce qui explique pourquoi il fait écho à la situation locale, tout en restant de nos jours l’un des plus emblématiques de son auteur, célébré dans son pays en tant que fondateur de l’opéra national. Si Dalibor a d’abord été attaqué pour «wagnérisme», ce que l’on peut comprendre tant certaines scènes s’étirent outre mesure en confinant l’action dans un certain statisme, Smetana s’impose surtout pour son langage personnel très développé au niveau symphonique: tout amateur de l’orchestre se doit de découvrir cet ouvrage, qui fourmille tout au long de détails savoureux.

Florentine Klepper, découverte ici-même en 2015 dans la superbe production de Julietta de Martinů, choisit de prendre à bras-le-corps l’écueil du statisme en transposant l’action dans une société contemporaine où les médias ont pris le pouvoir: le Roi devient dès lors le présentateur bling-bling et arrogant d’un jeu de téléréalité qui met en scène les péripéties de Dalibor, avant que le public présent ne vote pour le sauver ou non. L’action prend place dans les studios de télévision où se déroule le jeu cruel, permettant de découvrir les images des crimes grâce à la vidéo projetée au public. Autour d’une scénographie de toute beauté admirablement variée par les éclairages, Klepper réalise une critique pertinente de l’absurdité de ces émissions de voyeurisme à grand spectacle, à même d’animer l’ouvrage: on pourra seulement noter quelques gestes répétitifs dans la direction d’acteur, ce qui n’obère pas la bonne impression d’ensemble.

Le rôle principal de l’ouvrage revient davantage à Milada qu’à Dalibor: omniprésente pendant la quasi-totalité de l’action, Izabela Matula s’impose dans son rôle d’amoureuse éperdue à force de graves langoureux, d’une souplesse d’émission idéale. Seul l’aigu montre parfois quelques légers problèmes de positionnement de voix, ce qui ne l’empêche pas de recueillir des applaudissements nourris en fin de représentation. A ses côtés, Ales Briscein (Dalibor) a pour lui l’aisance technique au service de phrasés nobles et éloquents. On regrettera seulement que sa voix ne possède pas davantage de couleurs. Tous les autres rôles sont parfaits, au premier rang desquels la lumineuse Jitka d’Angela Vallone, dont on notera toutefois quelques décalages avec la fosse, et plus encore l’impressionnant présentateur-Roi de Gordon Bintner, à l’émission ample et aérienne. Si la direction de Stefan Soltesz donne parfois trop de poids aux cordes, elle a au moins pour avantage de mettre en avant l’élan narratif de l’œuvre.