En cette année de célébration du deux cinquantième anniversaire de la
naissance de Beethoven, voilà une bien belle idée que de le confronter à
son parfait contemporain Antonín Reicha (1770-1836), et ce d’autant
plus que sa cantate dramatique Lenore (1805) n’a pas à rougir de la comparaison face à la musique de scène d’Egmont
(1810). En dehors de la célébrissime Ouverture de cette adaptation du
chef-d’œuvre de Goethe, Beethoven montre une inspiration inégale,
n’évitant pas quelques banalités et remplissages. La direction
vigoureuse du regretté Gerd Albrecht (1935-2014) donne toutefois un bel
élan à l’ensemble, tout en étant porté par une excellente Ruth Ziesak.
Il est à noter qu’Eric-Emmanuel Schmitt a réalisé une nouvelle
traduction du livret en revenant au texte de Goethe: cette adaptation
donne une meilleure compréhension dramatique de l’ouvrage, comme ont pu
le découvrir les spectateurs des deux concerts présentés à Bruxelles et
Tours en début d’année.
C’est toutefois l’enregistrement de la cantate de Reicha qui fait toute la valeur de cette double réédition. Composée à Vienne en 1805, Lenore reçut en effet les éloges et le soutien de Beethoven pour faire connaître l’ouvrage. Les deux hommes s’étaient liés d’amitié à Bonn entre 1785 et 1792, avant de se retrouver à Vienne, au moment où Reicha prend des cours de composition avec Salieri et Albrechtsberger. On comprend l’intérêt de Beethoven pour ce petit bijou d’invention mélodique, où les variations de climats s’enchaînent en un rythme très fluide qui annonce Mendelssohn, avec des détails piquants aux flûtes, notamment dans les scansions. Ce goût de Reicha pour les bois fera ensuite sa célébrité lors de ses dernières années parisiennes, tout particulièrement dans sa musique de chambre. A la tête d’un ensemble tchèque très investi, Frieder Bernius fait valoir ses qualités habituelles d’élégance et de transparence, sans jamais se départir de l’architecture globale. Son sens de la respiration et de la construction dramatique valorise les passages les plus réussis, tels que l’introduction, lente et hypnotique, ou l’orage superbement orchestré – cette dernière pièce étant souvent extraite de l’ensemble, notamment par Laurence Equilbey en concert.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire