Pénétrer dans les arènes de Vérone peut donner le vertige, tant la
majesté des lieux impressionne avec son immense scène qui occupe un bon
quart de l’espace total. Curieusement, malgré les 22 000 personnes
présentes, la sensation d’intimité est palpable, même si l’acoustique
n’est pas aussi bonne qu’à Orange – faute d’un mur en arrière‑scène. On
retrouve un habitué des lieux (voir notamment La Bohème en 2005) en la personne du metteur en scène français Arnaud Bernard (né en 1966) et son Nabucco, créé ici même en 2017.
On est saisi d’emblée par la vaste et impressionnante maison à colonnade
au milieu de la scène, comme unique élément de décor. Est‑ce un théâtre
d’opéra, une vaste maison bourgeoise ou encore un bâtiment
administratif ? Un peut tout cela à la fois, grâce à un plateau tournant
qui provoque les applaudissements de l’assistance, manifestement peu au
fait de ce dispositif technique. Rapidement, le contexte guerrier du
début de l’ouvrage embrase les lieux de son effervescence, Arnaud
Bernard n’hésitant pas à convoquer chevaux et calèches autour des
nombreuses barricades, révolutionnaires et soldats. Il est vrai que la
transposition du récit pour évoquer les révoltes contre l’occupant
autrichien a de quoi séduire, tant les allusions de Verdi (et son
acronyme V.E.R.D.I., Vittorio Emanuele Re D’Italia) étaient claires pour
un auditeur de l’époque. Arnaud Bernard utilise astucieusement les
gradins derrière lui pour donner du volume à l’action, mais peine
ensuite à convaincre dans les scènes de théâtre dans le théâtre :
déguisés en Babyloniens, les interprètes reprennent leurs rôles
respectifs, mais on peine à distinguer qui est qui, sauf à bien
connaître le livret original au préalable. Il est donc indispensable de
bien réviser son Nabucco avant de voir cette transposition haute en couleur, mais pas aussi lisible qu’attendu.
Grande réussite de la soirée, à juste titre applaudie par un orchestre
ravi, la direction de Daniel Oren (né en 1955) allège les textures en
portant un soin minutieux aux nuances. A l’inverse, le chef israélien
n’hésite pas à faire sonner les fanfares avec un aplomb aussi
péremptoire que jubilatoire, tout en prenant garde à ne jamais couvrir
solistes comme choristes. Ces derniers impressionnent tout du long par
leur engagement, ingrédient décisif pour porter l’enthousiasme général.
Remplaçante de dernière minute pour pallier la défection de María José
Siri, Daniela Schillaci (Abigaille) donne beaucoup de plaisir par
l’autorité de ses graves cuivrés et colorés, malgré un suraigu parfois
instable et peu puissant. On aime plus encore la vaillance et les
envolées tragiques de Luca Salsi (Nabucco), tandis que Vasilisa
Berzhanskaya (Fenena) convainc davantage dans la souplesse et la rondeur
d’émission, que l’intention, assez discrète. Mais c’est peut‑être la
prestation de Rafal Siwek (Zaccaria) qui emporte tous les suffrages à
force de noblesse d’âme pour sculpter chaque mot au service du sens.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
dimanche 11 septembre 2022
« Nabucco » de Giuseppe Verdi - Festival de Vérone - 03/09/2022
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