Parmi les plus anciens au monde, le festival lyrique de Vérone
privilégie les grands titres du répertoire en italien, à quelques rares
exceptions près (Carmen notamment). Pour fêter son centenaire, le
festival reprendra ces succès l’an prochain, tout en osant davantage
tout au long de la saison du Teatro filarmonico avec le méconnu Amleto (1865‑1871) de Franco Faccio (sur un livret d’Arrigo Boito) ou Il parlatore eterno (1873) de Ponchielli, couplé avec Il tabarro de Puccini.
En attendant, les arènes ont retrouvé cette année la production bien connue de Turandot, imaginée par Franco Zeffirelli dès 1987 et présentée sur différentes scènes comme en DVD.
C’est là l’une des productions les plus réussies de l’ancien assistant
de Luchino Visconti, qui joue de la monumentalité des lieux avec un
faste cinématographique proche des grandes fresques de D. W. Griffith.
Autant l’importance du nombre de choristes que l’ajout de figurants,
danseurs et acrobates en imposent tout du long, Zeffirelli ayant la
bonne idée de donner du volume en étageant admirablement la scène
monumentale. Cela lui permet d’opposer la vitalité du peuple en
contrebas avec les poses plus hiératiques de l’Empereur et son
entourage, tout en nous régalant d’un festival de couleurs dans les
parties festives. La scénographie ne lésine ainsi sur aucun détail, des
fanions aux armes exotiques, en passant par ombrelles et éventails pour
les courtisanes. Les hôtesses doivent plusieurs fois intervenir pour
empêcher le public de prendre photos ou vidéos, notamment lorsque la
Pagode dorée est dévoilée, sous les applaudissements ravis de
l’assistance.
Ce spectacle traditionnel et respectueux de l’ouvrage reste idéal pour les spectateurs qui découvrent Turandot, tandis que les habitués de mises en scène plus audacieuses (voir notamment la récente relecture
de Daniel Kramer à Genève) auront l’impression de faire un voyage dans
le temps, au parfum un rien régressif. Le plateau vocal réuni pour cette
dernière représentation (le festival ayant l’habitude de proposer
différents chanteurs selon les dates) apporte son lot de satisfactions,
sans soulever l’enthousiasme pour autant. On aime ainsi le solide Calaf
de Yonghoon Lee, qui porte son lourd rôle avec une belle vaillance,
autour de phrasés toujours harmonieux et bien projetés. A ses côtés,
Oksana Dyka (Turandot) impose la noirceur de son expressivité, faisant
évoluer la dureté de ses intonations en phase avec l’humanisation de son
personnage. Petite voix, Ruth Iniesta (Liù) assure l’essentiel malgré
une émission parfois instable, au léger vibrato. Elle est toutefois
grandement applaudie par le public, manifestement touché par la finesse
de son interprétation. On note encore les prestations superlatives de
Biagio Pizzuti (Ping), Riccardo Rados (Pang) et Matteo Mezzaro (Pong),
très investis dans leurs intermèdes comiques, tandis que Giuliano
Carella dirige toutes ses troupes – chœur et orchestre – avec une belle
maestria, attentif à chaque détail tout du long.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 10 septembre 2022
« Turandot » de Giacomo Puccini - Festival de Vérone - 02/09/2022
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