samedi 10 septembre 2022

« Turandot » de Giacomo Puccini - Festival de Vérone - 02/09/2022

Parmi les plus anciens au monde, le festival lyrique de Vérone privilégie les grands titres du répertoire en italien, à quelques rares exceptions près (Carmen notamment). Pour fêter son centenaire, le festival reprendra ces succès l’an prochain, tout en osant davantage tout au long de la saison du Teatro filarmonico avec le méconnu Amleto (1865‑1871) de Franco Faccio (sur un livret d’Arrigo Boito) ou Il parlatore eterno (1873) de Ponchielli, couplé avec Il tabarro de Puccini.

En attendant, les arènes ont retrouvé cette année la production bien connue de Turandot, imaginée par Franco Zeffirelli dès 1987 et présentée sur différentes scènes comme en DVD. C’est là l’une des productions les plus réussies de l’ancien assistant de Luchino Visconti, qui joue de la monumentalité des lieux avec un faste cinématographique proche des grandes fresques de D. W. Griffith. Autant l’importance du nombre de choristes que l’ajout de figurants, danseurs et acrobates en imposent tout du long, Zeffirelli ayant la bonne idée de donner du volume en étageant admirablement la scène monumentale. Cela lui permet d’opposer la vitalité du peuple en contrebas avec les poses plus hiératiques de l’Empereur et son entourage, tout en nous régalant d’un festival de couleurs dans les parties festives. La scénographie ne lésine ainsi sur aucun détail, des fanions aux armes exotiques, en passant par ombrelles et éventails pour les courtisanes. Les hôtesses doivent plusieurs fois intervenir pour empêcher le public de prendre photos ou vidéos, notamment lorsque la Pagode dorée est dévoilée, sous les applaudissements ravis de l’assistance.

Ce spectacle traditionnel et respectueux de l’ouvrage reste idéal pour les spectateurs qui découvrent Turandot, tandis que les habitués de mises en scène plus audacieuses (voir notamment la récente relecture de Daniel Kramer à Genève) auront l’impression de faire un voyage dans le temps, au parfum un rien régressif. Le plateau vocal réuni pour cette dernière représentation (le festival ayant l’habitude de proposer différents chanteurs selon les dates) apporte son lot de satisfactions, sans soulever l’enthousiasme pour autant. On aime ainsi le solide Calaf de Yonghoon Lee, qui porte son lourd rôle avec une belle vaillance, autour de phrasés toujours harmonieux et bien projetés. A ses côtés, Oksana Dyka (Turandot) impose la noirceur de son expressivité, faisant évoluer la dureté de ses intonations en phase avec l’humanisation de son personnage. Petite voix, Ruth Iniesta (Liù) assure l’essentiel malgré une émission parfois instable, au léger vibrato. Elle est toutefois grandement applaudie par le public, manifestement touché par la finesse de son interprétation. On note encore les prestations superlatives de Biagio Pizzuti (Ping), Riccardo Rados (Pang) et Matteo Mezzaro (Pong), très investis dans leurs intermèdes comiques, tandis que Giuliano Carella dirige toutes ses troupes – chœur et orchestre – avec une belle maestria, attentif à chaque détail tout du long.

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