mardi 11 octobre 2022

« Color » de Simon-Pierre Bestion - Opéra de Lille - 09/10/2022

Créé à l’initiative de Caroline Sonrier, directrice de l’Opéra de Lille, le festival d’ouverture de saison, dédié aux rêves, accueille pas moins de deux spectacles imaginés par Simon-Pierre Bestion et sa compagnie La Tempête, dont la reprise d’Hypnos, qui permet de retrouver le goût de Bestion pour la spatialisation sonore et l’interaction avec le public. Le virage n’en est que plus saisissant avec la création du nouveau spectacle Color, qui installe ses 7 interprètes vissés sur scène pendant environ 1h15, avec des artifices limités, tels que fumigènes et éclairages façon concert de jazz. Si on ne peut malheureusement se fier à la note d’intention évasive de Simon-Pierre Bestion pour bien saisir où le génial trublion veut nous emmener, c’est davantage la liste des instruments réunis qui offre quelques indices avec son mélange audacieux entre sonorités modernes (batterie, saxophone, clarinette) et d’autres plus anciennes, aux réminiscences médiévales et orientales envoûtantes (cornet à bouquin, dulciane, duduk ou ney).

Le jeu de piste se poursuit avec la liste des pièces du programme, toutes dévolues à l’amour infini de Simon-Pierre Bestion pour la musique ancienne, dont on comprend rapidement, dès le début du concert, qu’elles ont été réorchestrées pour l’occasion : peu à peu, les effluves orientaux nous plongent en un univers sonore proche de la musique d’Ibrahim Maalouf, où les vents dominent. Mélismes et mélodies entêtantes plantent le décor durablement, tandis que Simon-Pierre Bestion intervient au piano, plus rarement au virginal, en accents volontiers jazzy. Long crescendo et boeufs se succèdent en un concert aux frontières des musiques du monde, du fait de l’instrumentarium réuni.

A rebours de toute velléité soliste, la soprano Amélie Raison intervient sans excès de virtuosité, ses envols cristallins très souples, osant aussi une présence plus discrète par endroit, à la manière d’une choriste. Si les musiciens donnent occasionnellement de la voix, notamment dans le final populaire dédié à la Petite camusette de Josquin Despres, on note une utilisation inattendue du clapping (applaudissement utilisé comme un instrument), trompant une partie du public, qui y voit là une incitation à faire de même. Avant le bis dédié à l’étourdissant Gloria de la Messe de Notre Dame de Guillaume de Machaut, le chef prend brièvement la parole devant le public pour s’étonner de la vision utopique de la musique ancienne ainsi révélée. Simon-Pierre Bestion a ainsi relevé le pari de faire entendre son répertoire favori avec des sonorités inédites : Chapeau l’artiste !

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