Compositeur français le plus célèbre de son temps avec son aîné Rameau,
Mondonville (1711‑1772) est l’un des protégés de la marquise de
Pompadour, principale organisatrice des plaisirs culturels de Louis XV
pendant une quinzaine d’années. C’est précisément devant la cour réunie à
Fontainebleau que la pastorale Daphnis et Alcimadure (1754)
remporte un grand succès, peu de temps après la fin de la querelle des
Bouffons. Originaire de Narbonne, Mondonville a alors l’audace de
proposer un ouvrage chanté en occitan (à l’exception du Prologue en
français), qui incorpore des influences italiennes par une virtuosité
vocale accrue (perceptible dès les vocalises du premier air
d’Alcimadure), mais aussi une inventivité orchestrale d’une richesse
infinie : on a peu souligné l’influence germanique dans la musique
brillante de Mondonville, où l’on entend des échos du brio rythmique de
son parfait contemporain Carl Philipp Emanuel Bach et peut-être plus
encore de Johann Stamitz (bientôt appelé à quitter Mannheim pour Paris).
On se régale d’emblée de la musique enthousiaste de Mondonville, qui n’a
pas son pareil pour caractériser des scènes bien différenciées, en
brassant musiques populaires (tout particulièrement dans les nombreux
divertissements dansés) et clins d’œil appuyés au Roi, du fanfaronnant
finale du Prologue en hommage à sa clairvoyance guerrière, en passant
par les parties dévolues à la chasse, au II. Si le livret étire le mince
argument qui voit Alcimadure se refuser aux ardeurs de Daphnis, il
trouve une facette comique savoureuse avec les intrigues de Jeanet pour
réunir les tourtereaux, entre mises à l’épreuve et duperies. En dernière
partie, l’ivresse rythmique de Mondonville s’apaise enfin quelque peu
pour faire place à des scènes plus intimistes, d’une tendresse
étreignante.
Fondateur de l’orchestre sur instruments anciens Les Passions, basé à
Montauban, le chef Jean‑Marc Andrieu porte cette résurrection, plus de
quarante ans après la dernière production entendue en France, à
Montpellier (dont l’enregistrement est disponible sur YouTube).
Si la pandémie a repoussé le projet, qui devait se monter à Narbonne, on
est heureux de le retrouver cette année à Montauban et Toulouse, à
chaque fois avec un public nombreux venu pour l’occasion. La direction
vive d’Andrieu joue sur l’opposition entre les pupitres, entre attaques
sèches et clarté des plans sonores. On aimerait certes, ici et là,
davantage de respiration et de nuances, mais l’ensemble se tient, avec
un orchestre de qualité, à l’exception notable des trompettes et cors, à
l’interprétation trop brute de décoffrage. Le chef français bénéficie de
l’apport de l’excellent chœur de chambre Les éléments, basé à Toulouse,
très bien préparé pour l’événement. On note toutefois une propension à
chanter trop fort en de maints endroits : est‑ce là un choix artistique
ou une moindre prise en compte de l’acoustique du Théâtre du Capitole ?
Le concert bénéficie également d’un plateau vocal à la hauteur, d’un
investissement dramatique rare pour une version de concert, où les
interprètes rivalisent d’échanges en forme d’interaction facétieuse. Il
faut sans doute remonter aux débuts parisiens de Marie‑Nicole Lemieux,
ivre de ses tentatives de déstabilisation du jeune Philippe Jaroussky
(voir notamment au Théâtre des Champs‑Elysées, en 2003),
pour se rappeler un tel vent de folie sur le plateau – et tout cela
sans jamais sacrifier à l’excellence technique. L’attention à
l’expressivité est particulièrement perceptible chez François-Nicolas
Geslot (Daphnis), merveilleux diseur, malheureusement parfois fâché avec
la justesse (au I surtout). A ses côtés, Elodie Fonnard compose une
Alcimadure criante de vérité, tant dans la fraîcheur du timbre que la
capacité à faire imperceptiblement évoluer son personnage. Il ne lui
manque qu’une prise de risque plus affirmée dans les parties difficiles
pour nous emporter plus encore. On aime aussi les talents de comédien de
Fabien Hyon (Jeanet), toujours très investi en ce domaine, comme dans
la nécessaire diction, qui font oublier quelques rudesses dans les
changements de registre. Rien de tel pour la délicate Hélène Le Corre,
qui compose une Clémence aux phrasés souverains dans le Prologue, et ce
malgré un manque de projection notable.
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