Judith van Wanroij et Stéphanie D’Oustrac |
Bien moins connue que la seconde Iphigénie qui situe l’action en Tauride, Iphigénie en Aulide (1774) est le tout premier ouvrage lyrique composé en français par Gluck, à la demande de Marie-Antoinette, son ancienne élève à Vienne. L’ouverture très réussie annonce le drame à venir par ses fulgurances intempestives, révélatrices de l’instinct théâtral affirmé de Gluck : la direction enthousiaste de Julien Chauvin joue l’épure et la clarté des lignes dans l’introduction lente, mystérieuse, avant d’animer son orchestre par des attaques sèches, des dialogues aériens entre les pupitres. Son engagement et ses tempi vifs permettent de bien unifier les différents matériaux, qui donnent un aspect séquentiel parfois déroutant, et ce bien au-delà de la seule ouverture. Avec ce premier essai parisien, Gluck tente d’innover par sa recherche sur les ruptures de ton et les transitions audacieuses, qui se manifeste par une attention soutenue au rebond rythmique et à l’allègement des textures. Malheureusement, le premier acte bavard s’enlise dans une musique trop souvent doucereuse, autour d’une inspiration manifestement peu stimulée par un livret faible et répétitif. Gluck s’enflamme davantage après l’entracte, lorsque l’étau se resserre autour d’Iphigénie, tout en multipliant les audaces formelles (nombreux duos, trios et ensembles, avec une place conséquente du choeur).
C’est tout particulièrement le brio des airs dévolus à Achille qui impressionne tout du long, d’autant que la prestation de haute volée de Cyrille Dubois donne le frisson à force d’investissement dramatique. Son timbre éclatant, de même que son émission claire et bien projetée, sont toujours au service du sens, avec une diction millimétrée – un atout toujours aussi décisif pour le ténor français. Tout aussi impressionnante dans l’éclat, Stéphanie D’Oustrac fait montre d’un tempérament saisissant d’autorité qui colle parfaitement à son rôle de mère outragée, et ce malgré des approximations techniques, ici et là, qui occasionnent quelques rudesses. Davantage maitresse de son placement de voix, Judith van Wanroij sculpte les mots avec un amour de la langue (faisant oublier ses origines non francophones), d’une élégante rondeur, même si elle est davantage à la peine dans la tessiture grave, très sollicitée après l’entracte.
A ses côtés, Tassis Christoyannis fait valoir ses
habituelles qualités de noblesse de phrasés, même si on note un
démarrage difficile avec un vibrato trop présent, un manque de noirceur
dans certains passages. On lui préfère de loin la jeunesse vocale
rayonnante de Jean-Sébastien Bou, dans un rôle malheureusement trop
court, ou les réparties toujours finement ciselées de David Witczak, à
même de donner beaucoup de crédibilités à ses personnages. Outre
des seconds rôles bien distribués (tous sélectionnés parmi les
choristes), c’est précisément le choeur des Chantres du Centre de
musique baroque de Versailles
qui ravit à chacune de ses interventions, offrant un mélange de ferveur
d’ensemble et une myriade de détails individuels bienvenus. Piloté par le Centre de musique baroque
de Versailles, ce concert enregistré sur le vif sera diffusé
prochainement sur la chaîne TCE live.
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