Créée le 7 juin 2019 au Printemps des comédiens à Montpellier, avant une
vaste tournée à travers toute la France, la production du Bourgeois gentilhomme
(1670) imaginée par Jérôme Deschamps revient à l’Opéra Comique, trois
ans après avoir fait les frais d’une interruption inopinée, due à la
pandémie. A 75 ans, l’ancien directeur du Comique (entre 2007 et 2015)
n’a rien perdu du mélange d’énergie bouffonne et bon enfant qui
caractérise son jeu expressif, entre grimaces et mimiques farfelues : de
quoi rappeler, par l’apport des artifices du pantomime, toute une
génération d’acteurs populaires (de Paul Préboist à Coluche) ou, plus
proche de nous, celle de la compagnie Les Deschiens, notamment Macha
Makeïeff, François Morel ou Yolande Moreau, pour ne citer que les plus
connus.
Omniprésent pendant les trois heures du spectacle, Deschamps campe
d’emblée un M. Jourdain peu sympathique, plus autoritaire que maladroit,
qui manque de cette tendresse naïve souvent prêtée à son personnage. On
peine ainsi à s’attacher à ce mégalomane délirant, qui sait provoquer
le rire par son élocution chuintante mais laisse de côté les fragilités
de son personnage, possiblement touchant jusque dans ses contradictions.
Si la première partie du spectacle pâtit quelque peu de ce manque
d’empathie pour le rôle principal, on gagne ensuite en intensité avec la
scène très réussie du banquet, où le gag du cochon fait mouche
(prouvant ainsi, avec force détails volontairement anachroniques,
l’adage « tout est bon, dans le cochon ! »). On aime aussi l’ivresse
rythmique du ballet des turqueries, où les délirantes capes des costumes
imaginés par Vanessa Sannino virevoltent en une évocation sensuelle et
exotique, digne des derviches tourneurs.
La distribution, un rien inégale dans les seconds rôles, pèche par excès
de cabotinage en première partie, notamment le duo caricatural entre le
Maître de musique et le Maître de ballet – ce dernier interprété par un
Guillaume Laloux, nettement plus convaincant dans l’éloquente arrogance
prêtée à Dorante. Josiane Stoléru incarne quant à elle une émouvante
Mme Jourdain, malgré une voix qui manque parfois de projection. Bien
incorporée à l’action, la musique de Lully reste accessoire par rapport à
la partie théâtrale, qui emporte plus des trois quarts de l’ouvrage.
Avec cette dernière comédie‑ballet, composée avant toutes ses tragédies
lyriques, Lully ravit par ses courtes vignettes colorées, interprétés
par un quatuor vocal d’une belle homogénéité. On aime aussi l’énergie
insufflée par le chef Théotime Langlois de Swarte (28 ans), qui sait
empoigner son violon pour entraîner Les Musiciens du Louvre dans
l’exacerbation démonstrative des contrastes. C’est là sans doute une
forme d’hommage à Marc Minkowski, qui devait diriger en alternance avec
son jeune cadet, avant de se blesser tout récemment au bras. De quoi
rappeler son amour pour ce répertoire, lui qui enregistra son tout
premier disque pour Erato, en 1987, précisément consacré à
Molière et Lully, tout en restant attaché à son rôle de bassoniste dans
l’orchestre de William Christie, occupé à rendre sa gloire au
chef‑d’œuvre de Lully, Atys, déjà à l’Opéra Comique.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 18 mars 2023
« Le Bourgeois gentilhomme » de Jean-Baptiste Lully - Jérôme Deschamps - Opéra Comique - 16/03/2023
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