C’est toujours un grand plaisir de retrouver l’Opéra de Marseille, dont
le splendide édifice Art déco fait la fierté de la ville depuis son
inauguration en 1924. A la veille du centenaire prévu l’an prochain,
l’institution phocéenne impressionne à nouveau par la qualité de la
distribution vocale réunie pour Nabucco (1842), l’un des plus
grands succès de la carrière de Verdi. C’est là l’habituel point fort à
Marseille, d’autant plus remarquable que le directeur Maurice Xiberras
ne dispose pas de moyens financiers comparables à ceux de ses
équivalents hexagonaux (Lyon ou Toulouse, par exemple). Il faut donc pas
mal de flair et d’entregent pour dénicher un couple principal aussi
incendiaire que celui formé par Juan Jesús Rodriguez et Csilla Boross,
déjà vivement applaudis ici même en 2016 dans Macbeth.
Annoncé souffrant, Juan Jesús Rodriguez (Nabucco) domine pourtant ses
partenaires de toute sa classe vocale, d’une homogénéité parfaite sur
toute la tessiture. Ses phrasés d’une grande noblesse, autant par son
attention au sens qu’à la diction, donnent une incarnation d’une grande
intensité théâtrale, vivement applaudie en fin de soirée. A ses côtés,
Csilla Boross (Abigaille) n’est pas en reste dans l’incarnation
dramatique, osant des attaques mordantes, d’une grande richesse de
couleur. Sa voix ample et puissante lui permet des prises de risque qui
scotchent l’auditeur sur son fauteuil, sans oublier quelques nuances
délicieuses dans les piani. Seuls quelques changements de
registre laissent entrevoir une certaine rudesse, sans parler des
stridences dans le suraigu. Rien d’indigne toutefois, tant le chant
généreux de la soprano hongroise reste attachant jusque dans ses
(relatives) approximations techniques. On aime aussi le Zaccaria de
Simon Lim, au timbre de bronze superbe de résonance, qui s’impose
d’emblée par sa présence scénique, toujours irradiante. Avec une voix
plus modeste mais bien articulée, Marie Gautrot (Fenena) donne beaucoup
de plaisir par sa fraîcheur vocale, tandis que Jean-Pierre Furlan
(Ismaele) compense un timbre un peu fatigué par un abattage toujours
naturel. Dans les seconds rôles, Thomas Dear (Le grand‑prêtre) se
distingue par sa projection d’une grande dignité, de même que
l’impeccable Chœur de l’Opéra de Marseille, très engagé tout du long et
capable de provoquer l’émotion dans les passages plus recueillis, à
force de subtilités admirablement étagées.
Juan Jesús Rodriguez et Csilla Boross |
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