L’Opéra de Francfort offre en cette fin de saison un éclairage
particulièrement remarquable sur la figure de Bohuslav Martinů
(1890-1959), compositeur tchèque le plus important du XXe siècle avec
Janácek. Quatre opéras du maître en deux jours, on ne se plaindra pas de
cette performance exceptionnelle dans la Hesse, d’autant que l’ensemble
des moyens réunis ne lasse pas de surprendre positivement. Place tout
d’abord à la Juliette créée en 1938 peu de temps avant le départ
aux Etats-Unis, en langue française (voir le spectacle réglé par le
metteur en scène britannique Richard Jones en 2002 et 2006 à l’Opéra Bastille), et ici donnée en une nouvelle production en version allemande.
Un choix qui pourra choquer les puristes, mais qui prend tout son sens lorsque l’on saisit combien l’argument ardu de cet opéra nécessite une parfaite proximité linguistique permettant de saisir l’ensemble des allusions distillées par cette histoire mêlée de surréalisme et d’absurde. On doit à Georges Neveux, proche de Desnos, Prévert et Queneau, cette histoire étrange d’un homme à la recherche d’un amour perdu, presque illusoire tant sa quête universelle apparaît fantasmatique. De retour sur les lieux de son passé, Michel rencontre toute une galerie de personnages plus farfelus les uns que les autres. La raison en est simple: tous se montrent incapables de se souvenir du moindre événement survenu dix minutes plus tôt. Florentine Klepper place cette histoire en un vaste hall d’hôtel des années 1950 surplombé d’un balcon filant, nid fécond d’apparitions décalées et inquiétantes des personnages, toujours en mouvement.
Cette superbe réussite visuelle s’appuie sur un sens des couleurs admirablement stylisé – des costumes jusqu’aux accessoires – ainsi qu’une direction d’acteurs millimétrée qui rappelle Christophe Marthaler dans la double perfection géométrique et chorégraphique. L’une des images les plus saisissantes est certainement celle du cadre central en fond de scène, d’abord lieu du jardin tropical au I, avant de se retrouver totalement vidé au III pour offrir un espace onirique où Michel se voit revivre en accéléré les événements intervenus jusqu’alors. Cette production s’appuie également sur un plateau vocal d’une remarquable qualité homogène, dont se démarque Kurt Streit, dans le rôle principal, immensément applaudi à l’issue de la représentation. Son impact dramatique sert le propos par la force de son engagement, tandis que son timbre un rien usé s’avère en phase avec le personnage. A ses côtés, Juanita Lascarro (Juliette) ne manque pas d’abattage, mais montre quelques difficultés dans l’aigu, au vibrato prononcé.
Tout semble faire sens pour coller parfaitement à la musique éruptive de Martinů, qui nous donne là l’un de ses meilleurs crus en multipliant le scintillement des effets sonores obtenus par un orchestre déchaîné. Si les cordes se montrent souvent irrésistibles dans leur scansion rythmique entêtante dans l’aigu, c’est plus encore la variété du coloris orchestral qui surprend tout du long – manière dont Benjamin Britten saura se souvenir quelques années plus tard. On retrouve Sebastian Weigle à la tête de son excellent orchestre, toujours aussi précis dans l’étagement des passages verticaux qu’attentif à l’expression des rares moments de débordements lyriques. Un spectacle en tout point réussi que l’on espère voir bientôt reprogrammé à Francfort, à l’instar de l’autre grande réussite de la saison, La Passagère de Weinberg, donnée en mars dernier.
Un choix qui pourra choquer les puristes, mais qui prend tout son sens lorsque l’on saisit combien l’argument ardu de cet opéra nécessite une parfaite proximité linguistique permettant de saisir l’ensemble des allusions distillées par cette histoire mêlée de surréalisme et d’absurde. On doit à Georges Neveux, proche de Desnos, Prévert et Queneau, cette histoire étrange d’un homme à la recherche d’un amour perdu, presque illusoire tant sa quête universelle apparaît fantasmatique. De retour sur les lieux de son passé, Michel rencontre toute une galerie de personnages plus farfelus les uns que les autres. La raison en est simple: tous se montrent incapables de se souvenir du moindre événement survenu dix minutes plus tôt. Florentine Klepper place cette histoire en un vaste hall d’hôtel des années 1950 surplombé d’un balcon filant, nid fécond d’apparitions décalées et inquiétantes des personnages, toujours en mouvement.
Cette superbe réussite visuelle s’appuie sur un sens des couleurs admirablement stylisé – des costumes jusqu’aux accessoires – ainsi qu’une direction d’acteurs millimétrée qui rappelle Christophe Marthaler dans la double perfection géométrique et chorégraphique. L’une des images les plus saisissantes est certainement celle du cadre central en fond de scène, d’abord lieu du jardin tropical au I, avant de se retrouver totalement vidé au III pour offrir un espace onirique où Michel se voit revivre en accéléré les événements intervenus jusqu’alors. Cette production s’appuie également sur un plateau vocal d’une remarquable qualité homogène, dont se démarque Kurt Streit, dans le rôle principal, immensément applaudi à l’issue de la représentation. Son impact dramatique sert le propos par la force de son engagement, tandis que son timbre un rien usé s’avère en phase avec le personnage. A ses côtés, Juanita Lascarro (Juliette) ne manque pas d’abattage, mais montre quelques difficultés dans l’aigu, au vibrato prononcé.
Tout semble faire sens pour coller parfaitement à la musique éruptive de Martinů, qui nous donne là l’un de ses meilleurs crus en multipliant le scintillement des effets sonores obtenus par un orchestre déchaîné. Si les cordes se montrent souvent irrésistibles dans leur scansion rythmique entêtante dans l’aigu, c’est plus encore la variété du coloris orchestral qui surprend tout du long – manière dont Benjamin Britten saura se souvenir quelques années plus tard. On retrouve Sebastian Weigle à la tête de son excellent orchestre, toujours aussi précis dans l’étagement des passages verticaux qu’attentif à l’expression des rares moments de débordements lyriques. Un spectacle en tout point réussi que l’on espère voir bientôt reprogrammé à Francfort, à l’instar de l’autre grande réussite de la saison, La Passagère de Weinberg, donnée en mars dernier.
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