dimanche 12 juillet 2015

« Königskinder » de Engelbert Humperdinck - Opéra de Francfort - 10/07/2015


Si l’on avait pu faire le constat d’un opéra injustement négligé en France, après avoir assisté à la production de Hansel et Gretel donnée à Francfort l’an passé, que dire des Königskinder du même Humperdinck? C’est pourtant à Montpellier que le Festival de Radio France avait relancé en 2005 un intérêt non démenti depuis pour le deuxième opéra le plus représenté de son auteur. Avec Jonas Kaufmann dans le rôle du Prince, cette création française (en version de concert) avait ensuite fait l’objet d’un disque (Accord, 2013), peu de temps après l’édition en DVD d’une production captée à Zurich avec le même Kaufmann dirigé par Metzmacher (Decca, 2012). Un chef lui aussi «récidiviste», puisqu’il avait sorti l’année précédente un disque consacré à cette œuvre, réunissant rien moins que Klaus Florian Vogt et Christian Gerhaher (Crystal Classics, 2011).

La reprise de la production imaginée par David Bösch en 2012 à Francfort illustre tout l’intérêt d’une représentation scénique de cette œuvre, dont le deuxième acte, magistral, justifie à lui seul la découverte. David Bösch, habitué du public lyonnais, qui a pu découvrir son travail autour de Simon Boccanegra en 2014 et des Stigmatisés en début d’année, a fait tout l’essentiel de sa carrière en Allemagne, débutant dans la mise en scène de théâtre. Ici, à l’instar des spectacles lyonnais, il cultive d’emblée un goût pour des ambiances sombres où le noir domine. L’opéra entier va ainsi se dérouler sur un immense plateau rocheux incliné, en forme d’espace lunaire en noir et blanc. Seuls quelques animaux en papier découpés, tous disposés en cercle autour d’un chaudron, occupent la scène pour figurer l’absence de perspectives laissées à la captive, seule face à la Sorcière en début d’opéra.


Créé en 1897 et révisé en sa version définitive en 1910, ces Königskinder (Enfants de roi) passionnent surtout au deuxième acte, le tout premier rappelant inévitablement la trame de Rusalka et son Prince libérateur, avant que le III ne nous emporte en un destin mélodramatique un rien convenu. Très inspiré, David Bösch porte le deuxième acte de son imagination débridée, transposant l’action en une porcherie contemporaine sordide. Loin de se contenter d’une illustration littérale de cette idée de départ, le jeune metteur en scène règle une fine direction d’acteur tout en revisitant en permanence les effets visuels sur le plateau – tel cet orange vif soudain dès lors que la jeune fille quitte la Sorcière. Les éclairages impressionnent ainsi tout du long, tandis que les trouvailles savoureuses animent le propos sans jamais basculer dans le grotesque – particulièrement la transformation des choristes en cochons, figurés là aussi par des masques en papier.


Face à cette réussite scénique de premier ordre, le plateau vocal – totalement renouvelé par rapport à 2012 en ses quatre rôles principaux – est dominé par l’excellent Michael Nagy en Musicien, à l’émission souple et fluide, chaudement applaudi à l’issue de la représentation pour son impact et sa présence. On ne peut malheureusement pas en dire autant de la Sorcière de Tanja Ariane Baumgartner qui n’impressionne guère, même si elle affiche une prestation vocale correcte. Sara Jakubiak interprète une jeune fille bien en voix, au timbre parfois un peu dur, correctement épaulée par un Ales Briscein (le Prince) au beau timbre clair mais dont l’émission serrée explique un certain manque de puissance. Reste à saluer le travail de Sebastian Zierer à la tête d’un bel orchestre local, très attentif à ne pas couvrir ses chanteurs tout en respectant l’étagement des mélodies finement entrecroisées par Humperdinck.

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