mardi 7 juillet 2015

« Marie Stuart » de Rodolphe Lavello - Midsummer Festival - Château d'Hardelot à Condette - 04/07/2015

Château d'Hardelot

«Les Anglais reviennent!»: c’est par cette sentence bien laconique qu’un membre de l’Office de tourisme de Boulogne-sur-Mer résumait l’une des principales tendances de ce début d’été dans la charmante sous-préfecture du Pas-de-Calais. Si la ville basse reconstruite dans les années 1950 reste bien connue des amateurs du cinéma d’Alain Resnais – qui en fit le lieu de l’un de ses films les plus connus, Muriel ou le temps d’un retour, Boulogne accueille chaque année de nombreux curieux attirés par son exceptionnel Centre national de la mer «Nausicaá» ou par sa ville fortifiée parfaitement préservée dans les hauteurs. L’imposante basilique vient tout juste de bénéficier d’une parfaite restauration de sa superbe crypte – la deuxième plus vaste de France après le Panthéon –, l’ensemble de l’espace muséal richement doté autour des collections religieuses et archéologiques du site ayant été repensé.


Si une importante colonie anglaise a étoffé depuis plusieurs siècles la vie sociale et culturelle locale, attirant régulièrement Charles Dickens, le château d’Hardelot voisin (à peine dix minutes en voiture) permet de mesurer l’importance de ce brassage particulièrement vivifiant, incarné par la création en 2009 du Centre culturel de l’Entente cordiale, dédié aux croisements culturels féconds entre nos deux pays. Si le manoir reconstruit au XIXe siècle dans le plus pur style élisabéthain mérite à lui-seul une visite par l’exubérance de son architecture, son histoire mouvementée, ou la richesse d’un intérieur en grande partie constitué par le Mobilier national, une halte au «Midsummer Festival» doit impérativement être faite, tant sa programmation diversifiée et exigeante convient à tous les publics.


En ce dernier week-end de festival, l’américain Paul O’Dette nous offrait à l’heure du tea time un délicieux récital autour du luth, prélude à l’événement majeur du week-end, la recréation de la Marie Stuart de Rodolphe Lavello (1842-1914). Cet opéra créé à Rouen en 1895 et jamais repris ensuite, est l’œuvre d’un compositeur italien totalement inconnu ayant fait toute sa carrière en France, sans jamais parvenir à obtenir les faveurs d’une création parisienne (comme Chausson et son Roi Arthus, notamment). A l’instar de l’œuvre homonyme de Donizetti, représentée tout récemment au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, le sujet anglo-écossais inspiré du drame de Schiller tourne autour de la rivalité fatale entre deux reines. Mais là où son célèbre aîné belcantiste imposait un long et impressionnant affrontement entre les deux femmes, Lavello réduit cet attendu à une scène plus courte, dramatiquement moins forte. Cette œuvre plaisante s’avère un rien répétitive en son début, Lavello multipliant les mélodies à la manière de Gounod. Seules les dernières scènes s’animent d’un impact dramatique percutant, y compris au niveau de l’accompagnement instrumental, plus travaillé.


On doit aux chaleureux et passionnés frères Dratwicki l’origine de cet audacieux projet, que ce soit Alexandre, pour le Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française, et Benoît, pour le Centre de musique baroque de Versailles. Si la partition en cinq actes et environ trois heures de musique a été réduite de moitié, resserrant l’action autour de la seule rivalité royale, cette représentation a permis de découvrir l’œuvre en une adaptation pour quatuor avec piano – seule la partition pour piano et voix étant à ce jour existante. C’est surtout le parfait plateau vocal réuni qui impressionne tout au long de la représentation, même si l’on pourra évidemment noter ici et là quelques réserves, notamment un Mathias Vidal (Mortimer) trop en voix pour un espace aussi restreint et roulant curieusement les r en début d’opéra. Si Katia Vellétaz peine à incarner la Reine vengeresse avec sa voix claire, on lui reprochera surtout une diction trop approximative. A ses côtés, Virginie Pochon impressionne en Marie Stuart, imprimant une force de caractère intérieure vibrante, bien épaulée par l’Anna d’Aurore Ugolin, dont la voix au timbre agréable se projette bien. Outre un toujours impeccable Alain Buet (Lord Burleigh), Thomas Dolié se distingue dans son rôle important de Leicester, toujours éloquent et disposant aisément d’un très beau timbre dans les graves.


On retrouve ensuite l’excellent baryton français accompagné du Quatuor Giardini dans le jardin d’hiver voisin, écrin chaleureux à l’acoustique idéale pour un délicieux programme de mélodies françaises. Cet after surprend par un inhabituel panachage de courtes œuvres de Dubois, Hahn, Gounod et David entrecoupées de savoureuses lectures des frères Dratwicki autour de saillies de critiques éminents (dont Berlioz) s’interrogeant sur la personnalité des chanteurs ou les tics de mise en scène. Une soirée qui permet de revisiter les clichés attachés aux compositeurs ici représentés, que tentent de réhabiliter nos jumeaux aussi militants qu’érudits.


Reste enfin à préciser que la manifestation musicale estivale va s’enrichir l’an prochain d’une nouvelle salle construite dans le style élisabéthain, à l’instar du célèbre Globe Theatre shakespearien. Cet équipement de près de 400 places, tout de bois revêtu, viendra remplacer la salle éphémère installée chaque été dans les jardins du château. Réalisé par le studio d’architecture Andrew Todd, ce projet a été présenté l’an passé à rien moins qu’Elisabeth II lors de sa visite en France, suscitant l’enthousiasme de quelques grands metteurs en scène – tel Peter Brook – déjà attirés par ce qui s’annonce comme une superbe réussite architecturale et acoustique. De quoi fêter dignement les sept ans d’existence du «Midsummer Festival» et permettre l’organisation d’une saison musicale et théâtrale pérenne dès avril 2016.

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