samedi 22 août 2015

« Il Germanico » de Nicola Porpora - Tiroler Landestheater à Innsbruck - 16/08/2015



Le festival de musique baroque d’Innsbruck rendait hommage cet été à la figure de Nicola Porpora (1686-1768), compositeur décidément à la mode tant il semble incontournable dans les compilations d’airs baroques enregistrés par les plus grands solistes actuels. La scène s’intéresse aussi à la musique inventive de ce contemporain de Vivaldi, en lui réservant des soirées entièrement dédiée, comme à Beaune en juillet dernier autour de l’oratorio Il Trionfo della Divina Giustizia.


A Innsbruck, place à l’opera seria Il Germanico, créé à Rome en 1732. Jamais joué depuis cette date, il s’agit donc là d’une recréation mondiale, véritable événement voulu par Alessandro De Marchi pour mieux faire connaître la musique du natif de Naples. L’Ouverture démonstrative annonce d’emblée le ton guerrier de l’œuvre avec force trompettes et timbales, illustration d’un contexte historique mouvementé pour l’obtention du pouvoir en Germanie, sur fond de trahisons et de rivalités amoureuses. Si Porpora ne nous épargne guère avec l’alternance un rien fastidieuse de recitativo secco et d’arias da capo, il ajoute heureusement deux duos, un trio à la fin de l’acte II ou encore une courte scène rassemblant l’ensemble des protagonistes pour conclure l’opéra.


Le Napolitain relance constamment l’intérêt au moyen d’une étonnante inventivité dans la vivacité du soutien orchestral, tandis que les récitatifs s’avèrent assez courts pour ce type d’œuvre. Le premier acte passe ainsi d’une traite en déployant une multitude d’airs vifs très éloquents, avant de saisir l’auditoire au II lorsque les deux protagonistes principaux, Germanico et Arminio, ont l’occasion de démontrer leurs qualités expressives en des airs respectifs très émouvants. On retrouve une musique plus virile au III, peut-être un rien en dessous des autres actes au niveau de l’inspiration. Il est vrai que la mise en scène d’Alexander Schulin n’apporte pas grand-chose à la compréhension de l’œuvre, mais procure une séduction visuelle étrange et obsédante. Fondée sur un plateau tournant qui revisite sans cesse les sobres décors, la succession de tableaux inattendus rappelle ainsi souvent les toiles de Giorgio De Chirico par son minimalisme surréaliste.


Intensément applaudie à l’issue de l’opéra, cette production a surtout bénéficié de la direction percutante de De Marchi, attentif depuis le clavecin aux contrastes comme aux nuances. L’Academia Montis Regalis, son ensemble sur instruments d’époque basé dans le Piémont, n’est pas en reste avec un beau pupitre de cordes. Sur scène, la star se prénomme David Hansen, jeune contre-ténor australien qui souffre encore de quelques petits problèmes techniques (manque de chair dans l’aigu notamment), mais dont les prises de risque ravissent par leur souplesse d’articulation et leur musicalité imperturbable. Excellent interprète, il n’est pas pour rien dans la réussite de la soirée.


A ses côtés, malgré un léger manque de puissance, Patricia Bardon offre à son Germanico des graves de velours, s’avérant tout aussi impressionnante dans la conviction dramatique. On admire aussi la ligne de chant du Segeste de Carlo Vincenzo Allemano (Titus éloquent ici-même voilà deux ans) ou la délicieuse Ersinda d’Emilie Renard, très à l’aise vocalement. Le reste du plateau assure bien sa partie, faisant de cette soirée une nouvelle réussite du festival, malheureusement non captée par les micros – une fois n’est pas coutume.

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