Nicholas Collon |
Fondé en 1929, l’Orchestre symphonique de la Radio de Hesse
(anciennement appelé Orchestre symphonique de la Radio de Francfort) a
connu une renommée internationale grâce à l’intégrale Mahler gravée par
son chef Eliahu Inbal, dans les années 1980. Depuis, la formation a su
s’attacher des chefs aussi éminents que Paavo Järvi ou Alain Altinoglu
(actuellement en poste), tout en faisant appel à plusieurs chefs invités
au long de la saison, comme c’est le cas pour le présent concert avec
le chef britannique Nicholas Collon (né en 1983). En dehors de la hr‑Sendesaal (840 places), la plupart des concerts ont lieu à l’Alte Oper,
qui ne doit pas être confondue avec la salle de l’Opéra, située à
quelques encablures de la gare. Le bâtiment a été reconstruit à
l’identique dans les années 1970 pour ce qui est de son aspect
extérieur, tout en offrant deux auditoriums modernes à l’intérieur,
respectivement de 700 et 2 500 places.
C’est bien entendu dans la grande salle que le concert débute, avec la courte pièce symphonique Chorale
(2002) de Magnus Lindberg. Le compositeur finlandais y oppose de grands
effets de masse entre les pupitres : les mélodies se superposent en une
atmosphère volontiers planante, qui s’achève dans la sérénité. Le
contraste n’en est que plus saisissant avec le langage plus pointilliste
de l’Estonien Erkki‑Sven Tüür (né en 1959), pour la création allemande
de son Troisième Concerto pour violon « Entretiens avec l’inconnu ». Il s’agit là d’une nouvelle commande de l’Orchestre symphonique de la Radio de Hesse auprès de ce compositeur, après son Premier Concerto pour violon en 1999 (créé à Paris en 2004), son Concerto pour piano en 2006 et sa Septième Symphonie
en 2009. Tüür fait l’étalage de toute sa maîtrise de la forme dans un
ouvrage assez étendu (37 minutes jouées d’un seul tenant), en un langage
expressif et coloré qui fuit la consonance. C’est peu dire que le
violon engagé de Vadim Gluzman, qui a créé l’œuvre à Salem (Oregon) le
27 janvier dernier, relève le défi de la virtuosité, sachant aussi
unifier les différents aspects séquentiels par son attention aux
transitions. Il est bien aidé par les sonorités splendides des autres
musiciens, admirablement étagées par Nicholas Collon, ce qui confirme
que cette formation est bien l’une des meilleures d’Allemagne, à
l’instar de ses équivalents à Berlin ou Munich.
Après l’entracte, les forces telluriques convoquées par Richard Strauss pour la Symphonie alpestre
(1915) trouvent en Nicholas Collon un interprète davantage intéressé
par la musique pure, au détriment du narratif, caractéristique qu’on
avait déjà pu observer lors d’un concert qu’il avait dirigé à Lyon en 2019.
Des tempi enlevés viennent ainsi dynamiser toute la formation, en une
lecture qui fuit respiration et hédonisme, pour offrir un pont inattendu
avec les audaces rythmiques de Hindemith. Les parties apaisées se
montrent plus attentives aux détails, là où les tutti déchaînés mettent
tous les groupes d’instruments sur un même plan sonore, n’évitant pas
une certaine cacophonie par endroits. Les cordes chauffées à blanc ne
ménagent pas leur investissement, en des attaques souvent nerveuses.
Dans cette optique, la déflagration des tutti ne laisse que peu de place
à la mélodie, évitant tout kitsch, mais laisse un arrière‑goût de
sécheresse émotionnelle pour le moins décevant. Si le style est
contestable, en fonction des attentes, la réalisation orchestrale touche
au but, grâce à l’excellence des cors et trompettes notamment,
accueillis par des applaudissements aussi enthousiastes que mérités. On
reviendra certainement entendre cette superbe formation, mais avec un
autre chef.
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