lundi 22 avril 2024

« Déjanire » de Camille Saint-Saëns - Kazuki Yamada - Disque Palazzetto Bru Zane

Depuis Les Barbares voilà dix ans, le Palazzetto Bru Zane (PBZ) a poursuivi peu à peu son projet d’enregistrer toutes les raretés lyriques du plus célèbre compositeur de son temps. De Proserpine au Timbre d'argent, en passant par La Princesse jaune et Phryné, on reste frappé par la diversité de l’inspiration de Saint‑Saëns, à même de démontrer sa curiosité et sa maîtrise de nombreuses sujets et formes, bien éloignés de l’image de la figure académique trop sérieuse dans laquelle il s’est souvent laissé enfermer, plus ou moins volontairement. A preuve, son goût éperdu pour l’art antique s’est épanoui autant en une délicieuse pochade, avec Phryné (1893), avant de remettre au goût du jour le modèle ancien de la tragédie lyrique, pour sa Déjanire revisitée en 1911.

L’histoire du dernier ouvrage lyrique de Saint-Saëns souffre de la confusion avec la musique de scène composée pour la création de la tragédie éponyme de Louis Gallet, en 1898. En réalité, bien que Saint‑Saëns soit reparti du même livret, il en allège considérablement les dialogues pour les transformer en récitatifs, dans le moule déclamatoire éloquent de la tradition de Gluck. Plus des trois quarts de la musique est nouvellement composée, tandis que celle préservée est entièrement réinstrumentée, avec l’ajout d’un nouveau Prélude citant le thème initial de son poème symphonique La Jeunesse d’Hercule (1877).

Si l’ouvrage souffre de quelques raideurs, il gagne à la réécoute pour en pénétrer peu à peu les beautés, notamment ses chœurs majestueux, très bien écrits et interprétés par un Chœur de l’Opéra de Monte‑Carlo d’une belle cohésion, surtout côté masculin. Une fois n’est pas coutume, les équipes du PBZ font appel à deux chanteuses non francophones pour les rôles principaux, Kate Aldrich (Déjanire) et Anna Dowsley (Phénice), peu à l’aise avec les exigences de la prononciation. Malgré une émission parfois nasale, Julien Dran (Hercule) séduit en ce domaine, tout en faisant l’étalage d’une expression ardente, en phase avec son rôle héroïque. La distribution est bien complétée par une superlative Anaïs Constans (Iole), tandis que Jérôme Boutillier (Philoctète) assure l’essentiel, mais se montre un rien plus raide qu’à l’habitude.

Enfin, la direction mesurée de Kazuki Yamada met en valeur les timbres de l’Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo, mais peine à mettre davantage en relief les scènes de caractère.

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