A l’instar de sa création tardive à l’Opéra de Paris voilà dix ans, La Fille du Far West
(1910) trouve enfin le chemin des planches à Lyon : de quoi mettre en
valeur cet ouvrage de la maturité de Puccini, qui souffre de la
faiblesse de son livret, aux accents mélodramatiques moins subtils que
son modèle à peine avoué, Tosca. Pour autant, le compositeur
italien séduit toujours autant par son inspiration mélodique au souffle
éperdu dans les scènes dramatiques, comme sa capacité à nous plonger
dans l’atmosphère douce‑amère, baignée de nostalgie, de ces mineurs
privés de tout, sauf du fantasme des mirages d’une richesse fulgurante.
Ca n’est pas le moindre des mérites de la mise en scène de Tatjana
Gürbaca que d’insister d’emblée sur la communauté de destin de ces
chercheurs d’or, tous groupés autour de Minnie, une figure fédératrice,
entre mère et Madone. La proximité physique serrée entre les
protagonistes s’épanouit dans un décor minimaliste, où le bar de
l’héroïne se devine derrière les lignes cubistes du décor. Réalisme et
volonté d’épure se marient tout du long du spectacle avec bonheur,
notamment lorsque plusieurs cordes de gibet surgissent des hauteurs
comme autant de menaces implacables pour l’imposteur Jack. Même si elle
dénie à son héroïne tout désir de maternité (contrairement aux allusions
de Lydia Steier à Berlin en 2022),
Gürbaca colle au plus près du récit initiatique de Minnie par
l’évolution de son allure, de la singularité dorée et asexuée de sa
première tenue, à la simplicité plus dépouillée des scènes amoureuses
intimistes, avant la transfiguration finale en cow‑boy finalement plus
viril que ses comparses – Jack Rance en tête. Jusqu’au bout, la
faiblesse de caractère du shérif est montrée, des hésitations fébriles
entre la facilité d’abattre ses ennemis à celle de mettre fin à ses
jours. Voilà encore une nouvelle réussite de la metteuse en scène
allemande, décidément inspiré par la finesse psychologique des
huis‑clos, à l’instar de Kátia Kabanová de Janácek à Genève (voir ici).
On le sait, cet ouvrage repose avant tout sur les trois rôles principaux, dont celui de Minnie, particulièrement redoutable vocalement, confié ici à Chiara Isotton. On se réjouit de pouvoir enfin découvrir cette chanteuse italienne souvent entendue à la Scala de Milan (notamment tout récemment dans L’amore dei tre re d’Italo Montemezzi), qui affronte crânement les sauts de registres périlleux. Son aplomb tranchant sait aussi se faire plus subtil dans le médium, bien tenu. A ses côtés, Claudio Sgura compose un Jack Rance plus monolithique, parfois en difficulté dans les passages rapides. L’essentiel est là, mais on attendait davantage de brillant et d’éclat de la part de ce spécialiste du rôle. Plus réussie est la composition de Riccardo Massi (Dick Johnson), qui impose une noirceur bienvenue à son rôle, entre timbre rêche et articulation vénéneuse.
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