Parmi les plus ouvrages les plus spectaculaires de Richard Strauss, Elektra (1909) ne cesse de fasciner par le déchaînement de ses forces orchestrales telluriques, comme son efficacité théâtrale étouffante en forme de huis-clos, d’une noirceur tour à tour morbide et éclatante, jusque dans les cris de ses héroïnes. Les hommes n’y ont qu’une place marginale, même si la rencontre entre Electre et Oreste touche au coeur en fin d’opéra. Donné d’une traite, en moins de deux heures, l’ouvrage ne peut manquer de faire son effet, comme c’est le cas ici avec les interprètes de tout premier plan rassemblés pour l’événement.
Le Théâtre des Champs-Elysées accueille en effet les membres aguerris à ce répertoire de l’Orchestre de l’Opéra de Stuttgart, où l’ouvrage a été donné de la fin mars à la mi-avril. On y retrouve la quasi-totalité du plateau vocal exceptionnel qui y a été réuni, mais sans la mise en scène de Peter Konwitschny, ce que l’on regrette évidemment. Les interprètes ont toutefois fait le choix de chanter sans pupitres, en reprenant la plupart des indications scéniques du spectacle donné à Stuttgart, ce qui donne une vérité théâtrale pour le moins inattendue s’agissant d’une version de concert.
On reste toutefois sur sa faim concernant la direction haute en couleurs de Cornelius Meister, qui exalte les modernités de la partition avec des rebonds éruptifs et des tempi enlevés, mais pêche par son peu d’intérêt pour le narratif : où sont les ambiances morbides, les ruptures abruptes ? Cette lecture en technicolor manque par trop d’âpreté et de variété, pour se concentrer sur la seule musique pure. Le drame, lui, passe au second plan dans cette interprétation trop extérieure.
Fort heureusement, un plateau vocal de classe internationale est sur
scène, logiquement applaudi par un public dithyrambique en fin de
représentation. Malgré quelques aigus arrachés en première partie, signe
d’un timbre qui commence à porter le poids des années, Irène Theorin s’impose
brillamment en Electre : aussi bien son tempérament dramatique, qui la
porte à vivre son personnage à chaque instant, que ses graves mordants
et vénéneux, sont un régal tout du long. Après Toulouse en 2021, Violeta Urmana
(Clytemnestre) retrouve l’un de ses rôles fétiches, où elle fait valoir
sa grande classe vocale, sans jamais verser dans la sur-interprétation.
Mais c’est peut-être plus encore Simone Schneider
(Chrysothémis), trop rare en France, qui emporte l’adhésion par son
engagement toujours très précis, portée par une technique sans failles
sur l’ensemble de la tessiture. Sa noblesse de phrasés est un délice
constant, à l’instar de l’Oreste admirablement articulé de Paweł Konik,
au timbre chaud et bien projeté. Tous les seconds rôles sont
parfaitement distribués, ce qui donne beaucoup de consistance aux scènes
avec les servantes, notamment. Parmi elles, se distingue les graves
cuivrés de Stine Marie Fischer, une chanteuse à suivre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire