Ancien directeur des conservatoires de Paris (1984-1986), puis Toulouse
(1992-2004), Marc Bleuse (né en 1937) s’est illustré épisodiquement en
tant que compositeur, en un style proche de son ancien professeur André
Jolivet. L’Opéra de Toulouse lui offre l’occasion de présenter son tout
premier ouvrage lyrique en création mondiale, avec l’aide de l’ancien
baryton Jean-François Gardeil pour le livret. Les deux hommes avaient
déjà travaillé ensemble en 2006 pour Masques, une pièce composée en guise de prélude au Didon et Enée de Purcell. Place cette fois à une adaptation de L’Annonce faite à Marie,
d’une durée totale de 2 heures environ avec un entracte. On notera que
la célèbre pièce de Paul Claudel a déjà inspiré d’autres compositeurs,
dont Walter Braunfels en 1935 (une musique notamment enregistrée en 2014
par Ulf Schirmer, avec le concours de Janina Baechle, pour CPO),
Renzo Rossellini (frère du cinéaste) en 1970, ou Camille Rocailleux, en
une version mêlant théâtre et chant, présentée en 2014 par le metteur
en scène Yves Beaunesne.
Le spectacle prend place dans le cadre de l’auditorium de Saint-Pierre-des-Cuisines, une des plus belles salles de concert toulousaines – à découvrir impérativement à l’occasion d’une visite de la ville rose. Rénovée en 1998 sans chercher à ajouter aucune fioriture, la pureté brute de l’ancienne église donne un cachet qui n’est pas sans rappeler le théâtre des Bouffes du Nord à Paris, autant par sa petite jauge (400 places) que sa proximité avec la scène. Pour autant, la réunion d’interprètes de premier plan, tels que les impeccables Quatuor Béla (Grand Prix de l’association Presse musicale internationale en 2015) ou de l’ensemble de cuivres anciens Les Sacqueboutiers, ne suffit pas à animer la soirée du souffle nécessaire à l’entreprise. La faute tout d’abord à un livret qui s’en tient trop aux péripéties du drame, oubliant par trop le verbe lyrique de Claudel. Mais c’est peut-être plus encore la musique qui déçoit par son flot continu et sans relief, mettant de côté la nécessaire caractérisation des différentes scènes – sans parler du refus de la mélodie et de la consonance, au service d’un langage bruitiste trop peu aventureux. En seconde partie, Bleuse surprend par ses fanfares néo-baroques avec Les Sacqueboutiers, avant de rapidement revenir à son langage premier: on aurait préféré que les deux influences s’entrechoquent afin d’éviter l’impression de collages disparates. Enfin, on notera le sous-emploi des percussions, pourtant très présentes en arrière-scène, comme du chœur féminin Antiphona.
Alors que l’ennui guette, le plateau vocal réuni pour l’occasion ne permet pas de se ressaisir, tant l’hétérogénéité des interprètes donne un goût d’inachevé. Pourquoi recourir à une chanteuse à la voix aussi frêle et monotone que Clémence Garcia, dans l’incarnation de Violaine? Il aurait fallu une interprète à même de donner davantage d’épaisseur à ce rôle de premier plan, notamment en première partie. A l’inverse, Sarah Laulan (Mara Vercors) déçoit à force d’outrance dans le jeu théâtral, alors que sa prestation vocale montre de belles choses, entre clarté de l’émission et beau timbre grave. Avec un timbre un peu fatigué, Lionel Sarrazin (Anne Vercors) met du temps à se chauffer, avant de peu à peu convaincre par son engagement, tandis que Philippe Estèphe (Jacques Hury) donne le plus satisfaction par son mélange d’aisance vocale et de justesse dramatique.
Enfin, avec peu de moyens, Jean-François Gardeil joue la carte de l’épure, donnant à voir davantage une mise en espace qu’une véritable mise en scène.
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