jeudi 6 mars 2025

Concert de l'Orchestre philharmonique d'Heidelberg - Lucie Leguay - Congress Center à Heidelberg - 05/03/2025

Maria Ioudenitch

Fondé en 1889, l’Orchestre philharmonique de Heidelberg (à ne pas confondre avec le Symphonique, qui se consacre au répertoire mozartien) est attaché au Théâtre de la ville, pour lequel il accompagne les opéras et organise ses propres concerts. La formation est également associée depuis 2006 au festival d’hiver de Schwetzingen, grâce à sa maîtrise des instruments baroques (voir notamment Mitridate de Porpora, en 2017). On retrouve les musiciens dans la salle principale (1 263 places) du tout nouveau Centre de congrès, inauguré voilà six mois, suite à la rénovation de l’ancien bâtiment de style Art nouveau, situé sur les bords du Neckar. Disons‑le tout net : on ne gagne pas au change aux niveaux sonore comme visuel, tant les immenses volumes minimalistes n’ont manifestement pas été conçus pour accueillir un concert symphonique. Le son globalement compact n’aide pas à identifier les différents instruments, mais reste plaisant pour mettre en valeur le jeu de la concertiste, Maria Ioudenitch, choisie pour interpréter le redoutable Concerto pour violon (1878) de Tchaïkovski.

L’Américaine d’origine russe a remporté voilà trois ans les concours internationaux Tibor Varga, puis Joseph Joachim, ce que sa technique parfaite (si l’on excepte un accroc dans le premier mouvement), comme ses sonorités gorgées de couleurs et d’intention, expliquent amplement. Elle est accompagnée par la cheffe française Lucie Leguay, qui soigne les transitions et les équilibres sans chercher à tirer la couverture à son profit. Avant ce morceau de bravoure toujours aussi spectaculaire, la soirée avait débuté avec la pièce pour quarante cordes De profundis (1998) de Raminta Serksnytė (née en 1975). La compositrice lituanienne trace des lignes sinueuses et brumeuses pour ouvrir et conclure sa pièce en arche, sur une durée d’environ 15 minutes. Entre les deux, son tempérament parfois chaotique imprime un sentiment d’urgence qui donne toujours envie d’écouter la suite. L’élégance des lignes et des phrasés de Lucie Leguay n’est pas pour rien dans la réussite de cet « apéritif » inspiré.

Après l’entracte, on déchante quelque peu, tant l’écoute de la Première Symphonie (1899) de Sibelius n’est pas gâtée par l’acoustique. Les ruptures imprimées par les cuivres et les timbales sonnent trop épais, tandis que les interventions aux vents paraissent lointaines. Le geste mesuré et d’une belle facture classique de Lucie Leguay cherche à creuser les détails dans les passages apaisés, pour mieux s’animer d’une vivacité toujours maîtrisée dans les parties rapides. L’Orchestre philharmonique d’Heidelberg semble plus à l’aise dans les deux derniers mouvements, en faisant valoir des qualités de virtuosité plus affirmées par rapport à son expressivité.

On retrouvera la formation ici même dans le cadre du festival de printemps, le 2 avril prochain, pour un programme Brahms et Chostakovitch, tandis que la violoniste Maria Ioudenitch sera en récital à l’auditorium de l’Alte Universität, pour rendre hommage à la musique de Beethoven, Ravel, Bartók et des sœurs Boulanger.

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