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Maria Ioudenitch |
Fondé en 1889, l’Orchestre philharmonique de Heidelberg (à ne pas
confondre avec le Symphonique, qui se consacre au répertoire mozartien)
est attaché au Théâtre de la ville, pour lequel il accompagne les opéras
et organise ses propres concerts. La formation est également associée
depuis 2006 au festival d’hiver de Schwetzingen, grâce à sa maîtrise des
instruments baroques (voir notamment Mitridate de Porpora, en 2017).
On retrouve les musiciens dans la salle principale (1 263 places) du
tout nouveau Centre de congrès, inauguré voilà six mois, suite à la
rénovation de l’ancien bâtiment de style Art nouveau, situé sur les
bords du Neckar. Disons‑le tout net : on ne gagne pas au change aux
niveaux sonore comme visuel, tant les immenses volumes minimalistes
n’ont manifestement pas été conçus pour accueillir un concert
symphonique. Le son globalement compact n’aide pas à identifier les
différents instruments, mais reste plaisant pour mettre en valeur le jeu
de la concertiste, Maria Ioudenitch, choisie pour interpréter le
redoutable Concerto pour violon (1878) de Tchaïkovski.
L’Américaine d’origine russe a remporté voilà trois ans les concours
internationaux Tibor Varga, puis Joseph Joachim, ce que sa technique
parfaite (si l’on excepte un accroc dans le premier mouvement), comme
ses sonorités gorgées de couleurs et d’intention, expliquent amplement.
Elle est accompagnée par la cheffe française Lucie Leguay, qui soigne
les transitions et les équilibres sans chercher à tirer la couverture à
son profit. Avant ce morceau de bravoure toujours aussi spectaculaire,
la soirée avait débuté avec la pièce pour quarante cordes De profundis
(1998) de Raminta Serksnytė (née en 1975). La compositrice lituanienne
trace des lignes sinueuses et brumeuses pour ouvrir et conclure sa pièce
en arche, sur une durée d’environ 15 minutes. Entre les deux, son
tempérament parfois chaotique imprime un sentiment d’urgence qui donne
toujours envie d’écouter la suite. L’élégance des lignes et des phrasés
de Lucie Leguay n’est pas pour rien dans la réussite de cet « apéritif »
inspiré.
Après l’entracte, on déchante quelque peu, tant l’écoute de la Première Symphonie
(1899) de Sibelius n’est pas gâtée par l’acoustique. Les ruptures
imprimées par les cuivres et les timbales sonnent trop épais, tandis que
les interventions aux vents paraissent lointaines. Le geste mesuré et
d’une belle facture classique de Lucie Leguay cherche à creuser les
détails dans les passages apaisés, pour mieux s’animer d’une vivacité
toujours maîtrisée dans les parties rapides. L’Orchestre philharmonique
d’Heidelberg semble plus à l’aise dans les deux derniers mouvements, en
faisant valoir des qualités de virtuosité plus affirmées par rapport à
son expressivité.
On retrouvera la formation ici même dans le cadre du festival de
printemps, le 2 avril prochain, pour un programme Brahms et
Chostakovitch, tandis que la violoniste Maria Ioudenitch sera en récital
à l’auditorium de l’Alte Universität, pour rendre hommage à la musique de Beethoven, Ravel, Bartók et des sœurs Boulanger.
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