La reprise de l’ultime chef‑d’œuvre de Janácek, De la maison des morts
(1928), dans la production imaginée par David Hermann, est l’un des
événements immanquables de ce début d’année, tant le délire mental en
forme de huis‑clos prend aux tripes d’emblée : le metteur en scène
allemand a l’audace de centrer l’action sur le personnage de
Goriantchikov, qui semble vivre un cauchemar entre délire et
persécution, suite à un burn‑out au travail. A moins qu’il ne soit
victime de ses opinions, lui qui est présenté par le livret comme un
prisonnier politique ? Quoi qu’il en soit, le début et la fin de l’opéra
le voient revenir au même endroit, après avoir achevé son rude périple
initiatique. Dès lors, la transposition du récit dans une sorte d’asile
psychiatrique, loin de la prison voulue par Dostoïevski, renforce
constamment l’intérêt pour animer le plateau d’une multitude de saynètes
aux personnages tous plus inquiétants les uns que les autres, y compris
le médecin chef. On peut aussi voir une sorte de labyrinthe dans le
millefeuille de panneaux enchaînés, explorant une multiplicité de points
de vue au niveau spatial, sans parler des différentes temporalités
évoquées. La violence du groupe, autant que la paranoïa médicale, est
ainsi montrée avec un sens du détail parfois éprouvant de réalisme,
rehaussé d’une direction d’acteur toujours explosive. On aime aussi
l’idée de la reconstitution d’une scène de crime avec relevé
d’empreintes, qui trouve tout son sens dans l’imbrication des événements
racontés par les personnages.
Face à cette mise en scène de haute volée, le plateau vocal se montre du
même niveau, entre homogénéité jusqu’au moindre second rôle et
éloquence des personnages principaux. Ainsi de Domen Krizaj
(Goriantchikov), qui fait valoir une noblesse de phrasés et une jeunesse
de timbre rayonnante, tandis que Barnaby Rea (Le commandant) montre une
noirceur bienvenue dans son rôle sadique. Karolina Bengtsson (Alieïa)
s’affirme quant à elle par sa vérité théâtrale, dans un rôle rendu plus
touchant par la mise en scène, en tant qu’unique soutien de
Goriantchikov. Mais c’est plus encore Michael Nagy (Chichkov) qui
impressionne l’assistance par sa composition hallucinée, qui tient la
distance d’un monologue intense, admirablement articulé et projeté.
Assurément un des grands moments de la soirée aux côtés de la direction
aux couleurs expressionnistes de Robert Jindra, qui n’a pas son pareil
pour faire ressortir les arêtes d’un minéral brillant et brulant –
parfaitement adapté au lyrisme toujours sous‑jacent et frémissant de
Janácek.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 8 mars 2025
« De la maison des morts » de Leos Janácek - David Hermann - Opéra de Francfort - 07/03/2025
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire