samedi 8 mars 2025

« De la maison des morts » de Leos Janácek - David Hermann - Opéra de Francfort - 07/03/2025

 

La reprise de l’ultime chef‑d’œuvre de Janácek, De la maison des morts (1928), dans la production imaginée par David Hermann, est l’un des événements immanquables de ce début d’année, tant le délire mental en forme de huis‑clos prend aux tripes d’emblée : le metteur en scène allemand a l’audace de centrer l’action sur le personnage de Goriantchikov, qui semble vivre un cauchemar entre délire et persécution, suite à un burn‑out au travail. A moins qu’il ne soit victime de ses opinions, lui qui est présenté par le livret comme un prisonnier politique ? Quoi qu’il en soit, le début et la fin de l’opéra le voient revenir au même endroit, après avoir achevé son rude périple initiatique. Dès lors, la transposition du récit dans une sorte d’asile psychiatrique, loin de la prison voulue par Dostoïevski, renforce constamment l’intérêt pour animer le plateau d’une multitude de saynètes aux personnages tous plus inquiétants les uns que les autres, y compris le médecin chef. On peut aussi voir une sorte de labyrinthe dans le millefeuille de panneaux enchaînés, explorant une multiplicité de points de vue au niveau spatial, sans parler des différentes temporalités évoquées. La violence du groupe, autant que la paranoïa médicale, est ainsi montrée avec un sens du détail parfois éprouvant de réalisme, rehaussé d’une direction d’acteur toujours explosive. On aime aussi l’idée de la reconstitution d’une scène de crime avec relevé d’empreintes, qui trouve tout son sens dans l’imbrication des événements racontés par les personnages.

Face à cette mise en scène de haute volée, le plateau vocal se montre du même niveau, entre homogénéité jusqu’au moindre second rôle et éloquence des personnages principaux. Ainsi de Domen Krizaj (Goriantchikov), qui fait valoir une noblesse de phrasés et une jeunesse de timbre rayonnante, tandis que Barnaby Rea (Le commandant) montre une noirceur bienvenue dans son rôle sadique. Karolina Bengtsson (Alieïa) s’affirme quant à elle par sa vérité théâtrale, dans un rôle rendu plus touchant par la mise en scène, en tant qu’unique soutien de Goriantchikov. Mais c’est plus encore Michael Nagy (Chichkov) qui impressionne l’assistance par sa composition hallucinée, qui tient la distance d’un monologue intense, admirablement articulé et projeté. Assurément un des grands moments de la soirée aux côtés de la direction aux couleurs expressionnistes de Robert Jindra, qui n’a pas son pareil pour faire ressortir les arêtes d’un minéral brillant et brulant – parfaitement adapté au lyrisme toujours sous‑jacent et frémissant de Janácek.

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