Parmi les nouvelles productions présentées en fin d’année dernière au Théâtre de Saint-Gall (en Suisse), le chef d’oeuvre féérique d’Engelbert Humperdinck, Hansel et Gretel, a permis à la metteuse en scène Guta Rau de s’illustrer une nouvelle fois in loco, après La Flûte enchantée de Mozart en 2021 et La Chauve-Souris de Strauss en 2022. La metteure en scène Allemande propose un spectacle d’une fantaisie lumineuse, en grande partie tournée vers le jeune public, qui peut aussi être apprécié par les plus chevronnés.
Située entre Zurich et le lac de Constance, Saint-Gall peut s’enorgueillir de la présence en plein centre-ville de son abbaye fondatrice, dont la bibliothèque au riche décor baroque lui a valu une inscription au patrimoine mondial de l’Unesco en 1983. A l’occasion de la visite de la huitième ville de Suisse, les mélomanes ne peuvent manquer de visiter son Théâtre, dédié en grande partie à l’opéra et à la danse, dont l’architecture figure parmi les exemples les plus réussis de la période brutaliste. Construite en 1968, la salle principale de 742 places impressionne par ses volumes volontairement déstructurés, offrant une visibilité et une proximité idéale avec l’immense scène. Les splendides luminaires du grand escalier évoquent plusieurs flocons de neige entremêlés, que l’on ne se lasse pas d’admirer sous tous les angles.
Dans cet écrin idéal, le spectacle imaginé par Guta Rau colle au plus près des différentes péripéties, en insistant tout d’abord sur les chamailleries entre les enfants, avant que l’irruption plus sonore des parents ne viennent sonner le glas de la malice ambiante. Le décor années 1950, volontairement resserré au plus près des spectateurs, permet de figurer la pauvreté, autant qu’il sert d’opportune caisse de résonance pour les interprètes. L’arrivée du père par les hauteurs de la salle apporte un effet saisissant, à même de pousser le trait de son ébriété avancée, aussi tonitruante que parfaitement projetée.
Le récit de la légende de la sorcière lance véritablement le spectacle par son originalité prononcée, en projetant en arrière-scène des images animées en forme de théâtre d’ombres, d’une tonalité naïve et espiègle qui rappelle l’art de Michel Ocelot (le créateur de Kirikou). Plus tard, l’évocation poétique des esprits de la forêt conserve des contours volontairement simplifiés, en un esprit bon enfant et ludique, qui s’oppose aux couleurs criardes d’une sorcière délicieusement grotesque dans son costume extravagant. En dehors de l’utilisation de la vidéo, la direction d’acteur est l’un des points forts du spectacle, en multipliant les traits comiques, sans jamais forcer le trait. La complicité entre les enfants est également bien suggérée, tout du long.
Jennifer Panara (Hänsel) et Kali Hardwick (Gretel) se montrent tous deux réjouissants, autant par la fraîcheur de leur timbre que la qualité de leur articulation. On aime aussi la Gertrud chaleureuse de Libby Sokolowski, de même que le Peter plus tonitruant de Vincenzo Neri. Enfin, Riccardo Botta joue davantage la carte de la séduction sonore que de la fantaisie débridée, en un sens des équilibres judicieusement dosé. La chef taïwanaise Yi-Chen Lin met un peu de temps à chauffer l’orchestre local, d’un bon niveau global, autour de tempi assez lents. Sa battue s’anime peu à peu pour trouver le ton juste, sans affectation excessive, d’une narration souple et naturelle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire