vendredi 12 avril 2019

Concert du Quatuor Arod - Auditorium du Louvre à Paris - 10/04/2019


Depuis son prix obtenu au concours ARD de Munich voilà trois ans, le Quatuor Arod est passé dans la cour des grands, s’illustrant régulièrement dans les salles les plus prestigieuses à travers la planète. On espère que la récente annulation de la tournée américaine, pour cause de passeport non renouvelé dans les temps, n’est pas en réalité le signe d’une lassitude face à ces voyages répétés.

Les quatre jeunes interprètes nous rassurent dès les premières mesures de l’introduction lente du Quatuor opus 76 n° 4 (1797) de Haydn, entamées avec une sensibilité discrète contrastant avec l’élan virtuose du thème principal qui suit. L’attention aux nuances est l’une des caractéristiques principales des interprètes, qui soignent les transitions entre les différents climats en une attention et un sens de la respiration d’une belle maturité. Le jeu analytique au début de l’Adagio décortique l’écriture en repoussant la formation de la mélodie par un jeu subtil, legato et sans vibrato. Les cordes sont effleurées en maints endroits en des notes courtes, apportant une émotion pudique à fleur de peau. Un certain manque de chair perdure encore dans la suite du quatuor, particulièrement dans le finale, qui trouve ainsi une lecture surprenante et moderne, avant une ultime reprise rapidissime pour conclure sur un nouveau contraste.


On retrouve dans le Cinquième Quatuor (1934) de Bartók le même geste exacerbé dans les mouvements rapides, plus serein dans les passages lents, avec toujours une impressionnante précision dans les attaques, en un ton qui alterne élans péremptoire et tragique. On a là un Bartók expressif gorgé de couleurs, dont les fulgurances sont bien mises en valeur par les qualités d’articulation et de souplesse des interprètes. L’Adagio surprend par son début aride dont la mélodie principale, murmurée du premier violon de Jordan Victoria, s’entoure de l’accompagnement en sourdine de ses comparses. La fin du mouvement reçoit le même traitement, sans doute pour mettre en valeur la construction en arche. Au léger et sautillant Scherzo succède un Andante où l’originalité des sonorités recherchées par Bartók trouve une fin presque lunaire dans son dépouillement. Nouveau contraste avec l’élan symphonique du finale, où les interprètes s’en donnent à cœur joie dans les scansions très marquées, mettant en valeur leurs qualités techniques.


Après l’entracte, on quitte l’imagination débridée de Bartók pour les rivages rhapsodiques plus apaisés du Deuxième Quatuor (1875) de Brahms. L’élégance primesautière du maître de Hambourg n’évite pas ici une inspiration inégale, à laquelle le ton allégé du Quatuor Arod donne une transparence élégante dans les parties apaisées. L’esprit vogue parfois ailleurs, même si les interprètes savent nous recentrer dans les tutti nerveux. Le troisième mouvement leur convient bien, et ils nous régalent de joutes narquoises, avant un beau motif entonné pianissimo en conclusion. Le finale très vif au début montre un visage plus dramatique, donnant un peu de vigueur à l’ensemble. Après de chaleureux applaudissements, Samy Rachid prend la parole pour se féliciter de son «plaisir de jouer à la maison» et annoncer un bis au public ravi : le ravissant Langsamer Satz (1905) d’Anton Webern, une œuvre de jeunesse aux dissonances quasi absentes, permet ainsi de conclure la soirée sur un beau moment de grâce.

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