samedi 13 avril 2019

« Into the Little Hill » de George Benjamin - Théâtre de l'Athénée à Paris - 11/04/2019


Créé dans le cadre du Festival d’automne à Paris en 2006, le tout premier ouvrage lyrique de George Benjamin (né en 1960), Into the Little Hill (Dans la Petite colline), est repris à l’Athénée en ce début de printemps. Depuis cette date, le compositeur britannique a acquis une renommée plus grande encore avec son deuxième opéra, Written on Skin (Ecrit sur la peau), présenté en 2012 à Aix-en-Provence, puis l’année suivante à l’Opéra-Comique.

A l’instar de Didier Van Moere, on ne partage guère l’enthousiasme pour la musique de ce compositeur, dont l’aridité expressive dans les passages lents n’est qu’à peine compensée par un jeu subtil sur les timbres. Les parties verticales représentent quant à elle une caricature de la musique sérielle du XXème siècle, avec ses dissonances sans queue ni tête répétées à l’envi en scansions hystériques. Ce sont précisément ces passages qui mettent à mal le soprano étranglé d’Elise Chauvin, très à la peine, tandis que Camille Merckx (déjà entendue en début d’année à l’Opéra de Lille avec les superbes Trois Contes de Gérard Pesson) nous donne du baume au cœur avec ses graves admirables de précision et d’intensité, le tout en une parfaite articulation. A la tête de l’Ensemble Carabanchel, Alphonse Cemin tente d’unifier cette musique disparate du mieux qu’il peut, tandis que l’introduction à la flûte seule, avec Flight (1979), ne convainc pas davantage au niveau de l’inspiration musicale – et ce malgré une intéressante recherche sur les sonorités offertes par l’instrument.

L’autre déception de la soirée vient du livret trop statique de Martin Crimp (né en 1956), pourtant l’un des dramaturges les plus attachants de sa génération – on pense par exemple à ses pièces intimistes et vénéneuses comme La Campagne (2002) ou plus politiques comme Dans la République du bonheur (2013). C’est d’autant plus dommage que Crimp a la bonne idée d’adapter la légende médiévale du joueur de flûte de Hamelin en la transposant sur un terrain politique, et ce afin de dénoncer le repli sur soi et la peur de l’étranger – deux marqueurs inquiétants de nos sociétés contemporaines avides du tout sécuritaire. La culture a-t-elle encore sa place face à cette préoccupation révélatrice d’une peur primaire? L’étranger peut-il encore être perçu autrement que sous ses habits commodes de bouc émissaire? L’un des passages les plus saisissants est celui où l’enfant voit les rats habillés comme des humains, sous le regard incrédule de sa mère: Crimp oppose ainsi subtilement le regard préservé de l’enfance, capable de voir au-delà des apparences, au monde adulte déjà corrompu par les renoncements et les faux-semblants.

La mise en scène de Jacques Osinski joue la carte de la sobriété en s’appuyant sur les vidéos omniprésentes de Yann Chapotel qui figurent autant le monde des rats que les collines anglaises rassurantes et enfermantes – celles-là même qui voteront en masse pour le Brexit quelques années plus tard. Contrairement à son superbe travail réalisé pour Iphigénie en Tauride en 2015, Osinski opte pour une direction d’acteur plus figée, avec des décors anecdotiques. Pour autant, cette mise en scène différente fonctionne bien en imposant la concentration sur le texte de Crimp. De quoi donner un écrin élégant à cet ouvrage malheureusement dispensable.

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