Preuve s’il en est besoin de la variété
des événements proposés lors de la Bachfest, le présent concert permet
de découvrir l’un des jeunes quatuors allemands parmi les plus
prometteurs du moment. Formé en 2014 à Francfort, où il est toujours en
résidence, le quatuor rassemble des solistes venus d’horizons divers :
deux Russes, un Canadien et un Allemand. Entre eux, l’entente et
l’écoute mutuelle semblent évidents dès les premières mesures du Quatuor
à cordes n° 5, opus 76 (1797) de Haydn, entonnées dans l’acoustique
sonore de l’ancienne bourse aux échanges (reconstruite à l’identique
après-guerre). L’énergie du premier violon irradie en un geste
démonstratif dans les passages verticaux, rapidement suivi par ses
collègues qui ne lui cèdent en rien dans le tranchant. On est loin de la
sérénité fantasmée de “Papa Haydn”, ici revigoré par une fougue
toujours excitante. Les parties apaisées exclut tout dramatisme et
vibrato, au service d’une lecture qui privilégie la perfection technique
et la musique pure.
Les différents extraits d’oeuvres de
Bach permettent ensuite à chacun de se distinguer individuellement,
notamment dans l’Andante de la sonate BWV 1003 (habituel bis des plus
grands violonistes) ou dans le célébrissime prélude de la Suite pour
violoncelle BWV 1007. Le concert atteint cependant son point d’orgue
avec l’une des plus belles interprétations du Quatuor à cordes n° 8
(1960) de Chostakovitch qu’il nous ait été donné d’entendre. Les jeunes
solistes surprennent dès l’introduction par une lecture détaillée et
analytique qui allège son côté sombre : la pudeur ainsi à l’oeuvre
laisse sourdre une émotion à fleur de peau, ce que confirme le violent
contraste du premier tutti, à la hargne rageuse. Le thème dansant qui
suit est murmuré dans les piani, avant une nouvelle rupture façon “feu
sous la glace”. Seule la toute fin du morceau perd quelque peu en
intensité, mais n’enlève rien à la très favorable impression d’ensemble.
Cette lecture sans concession donne en effet un écrin passionnant à cet
ouvrage d’essence symphonique. En bis, les interprètes nous régalent du
Da Pacem Domine d’Arvo Part, pour le plus grand bonheur de
l’assistance, visiblement ravie.
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