Après l’extrait donné ici même l’an passé à l’occasion du concert de gala des 120 ans du Volksoper, la comédie musicale Carousel
(1945) fait son retour à Vienne dans une production intégrale et
réjouissante de bout en bout, et ce malgré l’exotisme d’une version
chantée en allemand. Créé en 2018, ce spectacle bénéficie d’une mise en
scène qui joue la carte d’une sobriété élégante et délicatement
poétique, où les tableaux s’enchaînent rapidement à vue. Avec peu de
moyens, Henry Mason colle toujours au plus près des moindres inflexions
musicales, donnant à sa direction d’acteur une dynamique toujours liée à
l’action dramatique. Il choisit de nous plonger d’emblée dans l’univers
forain pittoresque et fantasque du livret, adapté de la pièce de
théâtre Liliom (1909) de Ferenc Molnár: le contexte misérable de
la pièce n’est cependant jamais montré ici, Mason jouant à plein le
tourbillon virevoltant et éclatant propre à la comédie musicale.
C’est
là en effet l’une des limites de cet ouvrage, certes délicieux dans
l’invention mélodique et orchestrale au I, mais qui surprend au II
autant par la place importante laissée au ballet que par son refus
d’illustrer musicalement les affrontements violents entre Billy et
Julie. De même, le cambriolage raté, comme les scènes dans l’au-delà,
auraient pu justifier l’écriture d’une musique davantage haute en
couleur, à même de dépasser les conventions du genre. Quoi qu’il en
soit, malgré l’absence totale de surtitres (contrairement à la
production de La Flûte enchantée vue l’avant-veille), le spectacle reste agréable.
Il est vrai que le plateau vocal donne beaucoup de satisfactions, tout particulièrement au niveau féminin. Ainsi de la délicieuse et fragile Julie de Lisa Habermann, comme de son amie Carrie interprétée par une Johanna Arrouas admirable de caractère. Outre ses qualités théâtrales, cette dernière se distingue par son aisance vocale sur toute la tessiture et ses phrasés percutants. On aime aussi grandement la classe vocale de Regula Rosin (Mrs. Mullin), très applaudie en fin de représentation. Un cran en dessous, les hommes affichent des qualités disparates. Si Ben Connor (Billy) a pour lui l’abattage vocal et la puissance, on regrette son interprétation par trop monolithique. A l’inverse, Christian Graf (Jigger Craigin) compense au niveau théâtral quelques imperfections techniques, tandis que Jeffrey Treganza (Snow) se distingue par une morgue bienvenue.
On mentionnera enfin, outre des
chœurs admirables de cohésion et de précision, la direction inspirée de
David Charles Abell qui semble se délecter de la mise en valeur des
différents climats. Sans jamais couvrir les chanteurs, son geste
narratif fait chanter un bel orchestre du Volksoper, toujours très engagé. De quoi recommander chaleureusement cette reprise, à voir jusqu’au 28 juin prochain.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire