Crée en fin d’année dernière à Francfort, la production des Puritains imaginée par Vincent Boussard
fait halte à Liège en cette fin de saison autour d’une distribution
remarquable, fort logiquement applaudie par un public enthousiaste
pendant toute la soirée – et ce malgré les presque quatre heures de
spectacle, avec un entracte, requis pour cette version donnée en
intégralité. Les interprètes trouvent dans la mise en scène un écrin
d’une remarquable pertinence, Boussard ayant la bonne idée de centrer
l’action autour d’Elvira, qui semble revivre les événements qui l’ont
conduit à la folie, errant comme un fantôme hagard et inquiet dans les
ruines d’un théâtre en rénovation. Pour autant, la fin de l’ouvrage
laisse entrevoir une autre perspective lorsque les interprètes tournent
le dos à la salle pour se faire applaudir par le choeur – théâtre dans
le théâtre, puis double sombre de l’héroïne viennent ainsi enrichir une
action trop souvent statique, imprimant une atmosphère mystérieuse et
fantastique du plus bel effet. On retrouve par ailleurs le goût habituel
du Français pour une esthétique chic, incarnée notamment par les
superbes costumes d’époque de Christian Lacroix, mais
toujours utilisée avec parcimonie. On pourra bien entendu regretter le
grotesque coup de théâtre final, inutile tant ce qui précédait pouvait
suffire, mais qui ne gâche cependant pas le plaisir d’une très belle
soirée.
Le plateau vocal réuni comble en effet bien au-delà des attentes, autant
par son très bon niveau homogène que par l’engagement des interprètes
pour répondre à l’énergie bouillonnante de la fosse : Speranza Scappucci
n’a pas son pareil pour imprimer une énergie revigorante, toujours
attentive à la narration, à laquelle ne manque que certains détails
révélés dans les verticalités, un rien trop “franches”. La directrice
musicale de l’Opéra royal de Wallonie-Liège doit aussi prendre garde à
ne pas couvrir ses chanteurs dans les grands ensembles. Quoi qu’il en
soit, ces quelques réserves n’empêchent pas le plateau de s’affirmer,
tout particulièrement le superbe Arturo de Lawrence Brownlee.
Son aisance technique confondante sur toute la tessiture, comme ses
aigus aériens, rappellent le jeune Michael Spyres, mais sans les
qualités interprétatives de ce dernier. C’est en ce domaine que Brownlee
doit encore progresser pour dépasser le seul éclat vocal, aussi
brillant soit-il. Zuzana Marková (Elvira) est plus
convaincante en ce domaine, faisant valoir des nuances d’interprétation
dans le médium ou les pianissimi, admirablement maitrisés. L’aigu manque
parfois de chair et de puissance, surtout dans les ensembles, mais
n’empêche pas la jeune soprano tchèque de réussir ses débuts ici. Plus
habitué des lieux, Mario Cassi (Riccardo) se distingue par son assurance et ses beaux phrasés, tandis que Luca Dall’Amico
(Sir Giorgio) est au niveau de ses partenaires, et ce malgré un léger
vibrato et un timbre assez ingrat. On notera enfin les belles
prestations d’Alexise Yerna (Erichetta di Francia), qui maitrise bien sa voix puissante, tout comme du choeur local, bien préparé.
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