En réunissant les trois plus célèbres adaptations de Manon Lescaut en autant de soirées successives, l'Opéra de Turin réaffirme son ambition : si les spectacles consacrés à Auber, Massenet et Puccini peuvent se voir séparément, la mise en scène d'Arnaud Bernard les lie en faisant référence aux grands classiques du cinéma d'autrefois.
L'Opéra de Turin et son directeur Mathieu Jouvin ne
pouvaient manquer de fêter le centenaire de la mort de Puccini, et ce
d'autant plus que deux de ses chefs-d'œuvre ont été créés dans
l'ancienne capitale italienne : La Bohème et Manon Lescaut.
C'est précisément la décision de présenter le troisième opéra de
Puccini qui a fondé le projet de réunir les plus importantes adaptations
lyriques inspirées par l'héroïne de l'Abbé Prévost. Cette initiative
audacieuse, captée en direct par la RAI, permet de comparer les styles
de chaque compositeur, comme des choix divergents opérés sur les livrets
– celui de Massenet étant le plus fidèle au modèle littéraire.
Le cycle débute avec la musique de Puccini, d'une variété de couleurs
tour à tour piquante et enveloppante, sans parler du souffle mélodique
sans cesse renouvelé : de quoi rappeler combien l'orchestre puccinien
constitue déjà un personnage à part entière, à même d'accompagner le
drame de toute la fougue d'un compositeur alors âgé de 35 ans. Cette
énergie se retrouve également dans la place prépondérante du chœur, très
sollicité tout au long de la soirée turinoise et parfaitement préparé
pour l'occasion. Il fallait aussi un chef de la trempe de Renato Palumbo
pour assembler de toute sa vitalité ces différents éléments, qui
semblent ainsi couler de source, au service d'une attention soutenue à
la progression du récit.
L'Opéra de Turin a réuni une distribution d'une homogénéité parfaite
jusqu'au moindre second rôle, donnant beaucoup de tenue à l'ensemble.
Erika Grimaldi compose une Manon d’un luxe sonore inouï, entre velouté
du timbre et souplesse aérienne des phrasés. On aimerait toutefois
davantage de prises de risque au niveau interprétatif, à l’instar d’un
Roberto Aronica (Des Grieux) qui compense ainsi un aigu souvent forcé.
La mise en scène d'Arnaud Bernard joue quant à elle la carte de la
séduction visuelle, en choisissant le noir et blanc pour colorer plateau
et costumes. Bien que trop répétitive, la transposition dans les années
1930 trouve une illustration élégante dans l'ambiance des films du
courant du réalisme poétique (incarné notamment par Jean Renoir), dont
plusieurs extraits sont projetés tout au long de la soirée. Si la
direction d'acteur se montre un rien brouillonne dans les scènes
collectives, on regrette aussi que le recours à la vidéo prenne autant
de place, surtout lors des dernières scènes, parmi les plus émouvantes
de l'ouvrage.
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