Leonard Slatkin |
L’Orchestre national de Lyon ne pouvait manquer de fêter le
quatre-vingtième anniversaire de son directeur musical honoraire,
Leonard Slatkin (né en 1944), qui reste aujourd’hui encore l’un des
chefs les plus appréciés par les musiciens, suite à son mandat
(2011‑2017) dans la capitale des Gaules. L’une des particularités du
Californien est précisément d’avoir ouvert la formation au répertoire de
son pays, et ce dès 2011 et la série de concerts « L’Amérique de
Leonard Slatkin », puis régulièrement ensuite (voir notamment en 2017 l’une des soirées consacrées à la musique symphonique de John Adams).
C’est dans cet esprit que la première partie de soirée fait découvrir une page (d’environ douze minutes), appelée Timepiece,
de Cindy McTee (née en 1953). L’épouse de Leonard Slatkin, compositrice
et professeur de musique, n’a pas son pareil pour convoquer toutes les
ressources de l’orchestre en un brio allant, alternant ambiance
mystérieuse et verticalités abruptes (à l’orchestration marquée par les
percussions), pour mieux revenir à des passages sinueux aux cordes,
mêlés d’un sentiment d’urgence qui donne toujours envie d’entendre la
suite. La compositrice vient sur scène pour recueillir des
applaudissements nourris de la part du public, agréablement surpris par
cette entrée en matière au tonus revigorant.
Le contraste n’en est que plus marqué avec la pièce plus connue qui suit, le Second Concerto pour violoncelle
(1966) de Chostakovitch et son ambiance sombre et dépouillée. Comme à
son habitude, Leonard Slatkin ne s’embarrasse pas d’un excès de pathos,
entre lisibilité et sens de la mise en place. Le soliste, Sheku
Kanneh‑Mason, (né en 1999) est sur la même longueur d’onde en
privilégiant des phrasés gracieux et aériens, qui mettent en valeur
l’expression des timbres. L’élan narratif comme les grincements
volontiers narquois restent toutefois au second plan d’une
interprétation un rien séquentielle, où le violoncelliste britannique se
fond parfois volontairement dans la masse des tutti, sans virtuosité
expansive. En bis, il surprend en rendant hommage à Bob Marley via l’adaptation de l’une de ses chansons, She used to call me Dada.
Après l’entracte, la Troisième Symphonie (1946) de Copland
résonne de toute sa force expressive, volontiers massive dans ses grands
phrasés homophoniques opposés par bloc, à la manière du classicisme
altier de la Cinquième Symphonie de Prokofiev, composée un an
plus tôt. Leonard Slatkin ne s’embarrasse pas de détails en imprimant
des tempi assez vifs, sans attaques sèches. Il réussit davantage les
passages majestueux, grâce à la clarté des lignes de l’excellent
Orchestre national de Lyon, très bien préparé pour l’occasion. Si les
parties plus lyriques et apaisées manquent d’un rien de rebond et de
fantaisie, on reste toutefois solidement arrimé au geste du chef
américain, toujours sur et précis. Parmi les morceaux de bravoure du
compositeur, le finale inoubliable revisite la célèbre Fanfare pour l’Homme ordinaire,
composée en 1942 pour accompagner l’entrée en guerre des Etats‑Unis.
L’élan patriotique évite toutefois tout pompiérisme, en mettant en
valeur l’imagination mélodique de Copland, très inspiré ici. La charge
émotionnelle, qui monte peu à peu et empoigne tout du long l’auditeur,
explique pourquoi cet ouvrage reste l’un des plus populaires de son
auteur : sa découverte en concert, à l’instar des « symphonies de
guerre » tout aussi spectaculaires de Chostakovitch, est un moment
incomparable pour l’auditeur. De quoi expliquer pourquoi l’Orchestre
national de Lyon a réservé deux dates à ce programme, avant de retrouver
le même Slatkin pour d’autres œuvres originales le 11 octobre, cette
fois de Gershwin, Barber et... Slatkin. Enjoy!
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