Philippe Jarrousky |
Le Festival d’Ambronay a choisi d’orienter la programmation de son
quatrième et dernier week‑end de concerts sur les contre‑ténors, ce qui
conduit inévitablement à comparer les chanteurs qui se sont produits à
deux soirées d’intervalle, Paul Figuier et Philippe Jaroussky. On ne
peut trouver partis pris artistiques plus opposés que ceux du mesuré
Christophe Rousset la veille
et de la plus débridée Christina Pluhar : l’esprit populaire et festif
de la chef autrichienne irrigue d’une vitalité immédiatement audible le
concert, tout en bénéficiant d’un soliste accompli en la personne de
Jaroussky. Si le contre‑ténor français lutte parfois contre un
instrument fatigué avec les années, à l’aigu durci, quel art
interprétatif et quelle aisance dans la communication avec les
musiciens !
On se souvient d’un jeune homme plus timide en début de carrière, qui se
laissait heureusement embarquer par la fantaisie lumineuse de ses
partenaires, Marie‑Nicole Lemieux en tête. Autant le succès public que
la pleine confiance dans ses moyens, entre maîtrise du souffle et
souplesse des changements de registre, ont permis à Jaroussky de briser
la glace depuis de nombreuses années, pour trouver ce plaisir partagé
avec les musiciens, qui fait tellement de bien à voir. L’artiste n’a
plus rien à prouver et se lâche, en se permettant aussi plusieurs
interactions avec le public, notamment dans les deux derniers bis
déhanchés (dont on ne dévoilera pas la surprise). Il faut dire que la
répartition des interprètes en demi‑cercle invite à la communion pour
faire vivre d’une énergie solaire le répertoire choisi, entre airs
populaires français et espagnols, surtout en première partie de concert.
On est une fois de plus subjugué par l’art de Christina Pluhar pour
construire un programme très varié dans la valse des émotions, qui
swingue littéralement à plusieurs reprises, jusqu’à une sorte de
« bœuf » jazzy dans la Ciaccona de Maurizio Cazzati. L’art des
transitions entre les morceaux bénéficie de sa sensibilité millimétrée
dans les moindres détails, souvent ornée des interventions majestueuses
de Doron Sherwin au cornet à bouquin, très sollicité dans les ornements.
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