A l’occasion d’une visite dans les
Hauts-de-France, on ne saurait trop conseiller de faire halte à
Tourcoing, troisième ville de la région après Lille et Amiens ; qui peut
s’enorgueillir d’avoir vu naître des compositeurs aussi illustres que
Gustave Charpentier ou Albert Roussel. Indissociable de la personnalité
charismatique de son fondateur Jean-Claude Malgoire (1940-2018),
l’Atelier lyrique de Tourcoing donne depuis 1981 une résonance
internationale à cette ancienne capitale du textile, reconnue pour cette
ambition artistique de haut niveau. Désormais, il revient à François-Xavier Roth (né en 1971) de prendre la relève du regretté Malgoire à la direction artistique de l’Atelier lyrique, tandis qu’Alexis Kossenko (né en 1977) fait de même à la tête de l’orchestre sur instruments d’époque, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy.
C’est précisément le jeune flûtiste et
chef d’orchestre français que l’on retrouve à Tourcoing pour l’une des
productions les plus attendue de la saison, l’ébouriffante
Etoile (1877) d’Emmanuel Chabrier.
On avoue ne pas comprendre pourquoi un tel chef d’œuvre de malice et
d’intelligence ne figure pas plus souvent au répertoire hexagonal – au
moins pendant les fêtes de fin d’année, aux côtés des grands succès
d’Offenbach. On se réjouit par conséquent de cette heureuse initiative,
et ce d’autant plus que le plateau vocal réuni se montre d’un niveau
proche de l’idéal.
Ambroisine Bré et Anara Khassenova |
Ainsi de la rayonnante Ambroisine Bré qui donne à son
Lazuli un brio vocal d’une rare conviction dans l’équilibre entre vérité
théâtrale et raffinement vocal, tandis que Carl Ghazarossian (Ouf 1er) ne lui cède en rien dans sa composition désopilante, entre morgue cruelle et lassitude feinte. Si Anara Khassenova (la Princesse Laoula) affiche également un haut niveau, Juliette Raffin-Gay (Aloès)
est plus en retrait du fait d’une émission parfois étroite, hormis dans
son air bien travaillé au II. La production doit beaucoup à l’aisance
comique des impayables Alain Buet (très solide Siroco), Nicolas Rivenq (superbe d’autodérision) ou Denis Mignien
(à la folie douce-amère). Les chœurs un rien timides au début, avec
quelques décalages notables, se montrent de plus en plus affirmés tout
au long de la soirée, avant de pleinement convaincre.
Mais c’est peut-être plus encore l’énergie insufflé dans la fosse qui
impressionne par son à-propos : si vous n’avez jamais su ce que voulait
dire « faire chanter un orchestre », écoutez Alexis Kossenko !
Autant les attaques sèches que la précision et la virtuosité des
affrontements entre pupitres donnent des accents inouïs de vitalité, le
tout au service d’une expression dramatique qui n’en oublie jamais de
faire ressortir les détails humoristiques de l’orchestration. Ce
tourbillon de bon humeur répond à la non moins réussie mise en scène de Jean-Philippe Desrousseaux
– dont le travail pour Pierrot Lunaire d’Arnold Schönberg avait déjà
été récompensé en 2017 par le prix du Meilleur créateur d’éléments
scéniques, décerné par l’Association professionnelle de la critique,
théâtre, danse et musique. Desrousseaux revisite son décor unique
pendant toute la représentation avec maestria, autant par un travail sur
les éclairages qu’une mise en valeur des éléments scéniques. Son
imaginative direction d’acteur donne beaucoup de plaisir par son double
regard qui s’adresse autant aux plus petits qu’à leurs ainés : on
retient notamment les nombreux gags visuels intemporels façon Iznogoud
ou les délicieux animaux exotiques animés à l’ancienne par deux
comédiens. Les rires des tout petits ne trompent pas quant à la réussite
du projet, vivement applaudi par le chaleureux public de Tourcoing.
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