vendredi 7 février 2020

« Les Bains macabres » de Guillaume Connesson - Théâtre de l'Athénée à Paris - 05/02/2020


On doit à l’intérêt conjoint du Théâtre impérial de Compiègne et à l’Orchestre des Frivolités parisiennes la commande du tout premier opéra de Guillaume Connesson (né en 1970), Les Bains macabres. Figurant parmi les compositeurs contemporains français les plus joués au monde, Connesson poursuit dans la veine qui a fait son succès, autour d’un langage tonal puissamment expressif, qui lorgne vers Poulenc dans l’écriture de la voix et plus largement vers le groupe des Six pour la légèreté pétillante et colorée de l’orchestration. A l’instar de nombre de ses pièces symphoniques (voir notamment Maslenitsa donné au Festival de Besançon en 2014), c’est bien en ce dernier domaine que le Français n’en finit pas de séduire, autant par la variété de ses emprunts que par l’éclat et la générosité du style.

Le langage on ne peut plus abordable pour le novice se retrouve aussi dans l’écriture des chœurs, dont les échos fantomatiques font souvent penser à Ravel. Mais c’est peut-être plus encore dans le livret malicieux d’Olivier Bleys (né en 1970), couronné par le prix de l’Académie française à deux reprises et par le grand prix du roman de la Société des gens de lettres pour Le Maître de café (Albin Michel, 2013), que réside la réussite de la soirée: les péripéties farfelues de deux policiers, occupés à résoudre les décès inexpliqués de curistes, se mêlent ainsi aux amours de l’héroïne Célia pour un fantôme. Autour de cette trame d’opéra-comique mâtinée de fantastique bon enfant (une inspiration constante chez Connesson, déjà auteur du ballet Lucifer en 2011, paru chez Deutsche Grammophon), le livret n’en oublie pas d’aborder des sujets plus contemporains en filigrane, tels que le harcèlement sexuel subi par Célia ou ses vaines recherches sur des sites de rencontre. Les scènes s’enchaînent en un rythme alerte, où les dialogues très brefs font vite place à la musique omniprésente – le tout magnifié par la mise en scène nerveuse de Florent Siaud et la scénographie splendide de Philippe Miesch, très astucieuse tant dans la gestion de l’espace que de la vidéo.


L’autre grand atout de la soirée est sans conteste le vent de jeunesse insufflé par l’orchestre des Frivolités parisiennes, un ensemble dont on se réjouit toujours autant des qualités techniques comme humaines: l’observation des visages épanouis révèle un plaisir constant de jouer ensemble, qui contraste avec les mines souvent blasées de leurs homologues plus aguerris. Venus de la fosse, d’inattendus vivats sont adressés au plateau vocal en fin de représentation – un autre signe de cette vivifiante harmonie de groupe. L’énergie insufflée par l’excellent Arie van Beek, actuel directeur musical de l’Orchestre de Picardie, fait swinguer ses troupes, sans jamais couvrir les chanteurs. On est séduit aussi par le chœur de chambre Les Eléments, basé à Toulouse, qui donne à entendre des individualités de caractère dans les interventions solistes.

Enfin, le plateau vocal réuni se montre de fort belle tenue, d’où ressortent l’investissement et la vocalité radieuse de Sandrine Buendia ou les phrasés expressifs de Romain Dayez, dans un rôle très différent de sa prestation comique des P’tites Michu (voir notamment à Nantes en 2018). Fabien Hyon s’impose quant à lui par ses qualités théâtrales et son abattage vocal, malgré quelques difficultés dans les passages tendus, tandis qu’Anna Destraël (Miranda Joule) donne à entendre un timbre superbe, en une interprétation très juste. A ses côtés, Geoffroy Buffière compose un truculent Prosper Lampon, au cheveu sur la langue on ne peut plus délicieux. De quoi réserver une salve d’applaudissements mérités à ce spectacle très réussi.

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